La France, parce qu'elle est une ancienne nation
habituée aux rôles de premier plan, ne peut vivre
sans la grandeur. Son génie l'a poussée de tout
temps à rayonner dans le monde et à peser sur son
destin. A chaque époque, elle s'est trouvée au cœur
des grands événements qui ont façonné l'Europe et
le monde, parfois en situation dominante, parfois
en position défensive, mais toujours en tant qu'acteur
privilégié sur la scène de l'histoire. Aujourd'hui,
pour rester fidèle à elle-même, il lui faut de nouveau
prétendre au premier rang des nations : la grandeur
est pour elle un impératif d'existence.
Pour renouer avec cette exigence, la France a l'obligation
de se projeter dans le monde, d'y rayonner comme
un modèle et de s'y imposer. Car la grandeur ne
s'acquiert pas seulement par les vertus de l'harmonie
interne. Certains pays, telle la Suisse, par ailleurs
citée en exemple pour sa démocratie, sa prospérité
et sa cohésion sociale, ne sont pas reconnus comme
de grandes nations. Cette qualité est en effet l'apanage
des patries à la fois anciennes et puissantes qui
peuvent développer en leur sein un modèle propre
d'organisation sociale et disposent d'assez d'énergie
et de prestige pour le faire accepter par d'autres.
Aussi la France ne doit-elle pas se recroqueviller
frileusement à l'intérieur de ses frontières. Il
lui faut respirer l'air du grand large et se porter
au-delà de l'horizon : elle ne peut exister qu'à
l'échelle de la planète.
Aujourd'hui, hélas, notre pays semble avoir renoncé
à la grandeur, et sa présence dans le monde n'est
plus que fantomatique ou symbolique. Avec les dirigeants
de la classe politique, il a cessé d'être un acteur
pour n'être plus qu'un figurant sur la scène internationale.
Comme chaussés de bottes trop grandes pour eux,
nos gouvernants, sans doute embarrassés par le passé
éclatant de la France, se révèlent incapables de
conduire une vraie politique étrangère et se contentent
de l'aligner sur celle des autres.
Dans le monde mouvant et complexe d'aujourd'hui,
les gouvernements qui se succèdent au pouvoir paraissent
ne plus avoir de stratégie propre. L'effondrement
de l'empire soviétique, le réveil des nationalités,
la montée de l'islam, les mouvements planétaires
de population, l'imbrication croissante des économies
ont donné naissance à un univers incertain et chaotique
sur lequel la France a perdu toute maîtrise. Nos
gouvernants ne sont plus à même de se frayer leur
propre route. Jouets et non plus maîtres des événements,
ils se livrent à de pitoyables gesticulations médiatiques
et diplomatiques. Incapables d'adopter une position
originale, ne sachant plus où réside l'intérêt national,
confondant les amis et les ennemis de notre pays,
ils ne pèsent plus, ils n'agissent plus. Pire, ils
subissent sans réagir la tutelle étrangère et se
placent à la remorque de la grande puissance dominante.
Est-ce pour camoufler leur impotence ou est-ce par
conviction ? Toujours est-il que nos dirigeants
se sont ralliés à la politique des États-Unis, c'est-à-dire
celle du nouvel ordre mondial.
Depuis l'effondrement du monde soviétique et la
fin du "partage de Yalta", l'instauration
d'un nouvel ordre mondial semble être devenue la
préoccupation majeure des Américains. Or la France,
comme beaucoup de pays occidentaux, a adopté purement
et simplement ce projet, sans voir qu'il est idéologiquement
néfaste et politiquement funeste. Sur le plan des
principes, il est de nature mondialiste, puisqu'il
vise à soumettre les États à un ordre régi par des
lois internationales et imposé le cas échéant par
une force supranationale. Il s'est fixé pour objectif
l'affaiblissement des nations et l'uniformisation
de la planète. Aussi, aux yeux de ses propagandistes,
tout ce qui favorise la disparition des frontières
et des identités, qu'il s'agisse du libre-échangisme
commercial, du droit d'ingérence, de la supranationalité
ou de la préférence pour les relations multilatérales,
doit être considéré comme bénéfique. Le nouvel ordre
mondial s'est doté d'une doctrine : les droits de
l'homme, d'une loi : les résolutions de l'Onu, d'institutions
: le Gatt, le FMI ou l'Unesco, et d'une armée :
les casques bleus. Derrière cette machine idéologique
et institutionnelle parfaitement huilée, on trouve
les États-unis d'Amérique qui, loin de se soumettre
eux-mêmes à ce système, s'efforcent avec succès
de le manipuler à leur profit. Désormais seule grande
puissance mondiale, ils pèsent d'un poids déterminant
sur la plupart des institutions internationales
au point de pouvoir en obtenir ce qu'ils veulent
et y faire obstacle à ce qui leur déplaît. Politiquement,
le nouvel ordre mondial ne constitue donc que l'instrument
par lequel les Américains s'efforcent de dominer
l'ensemble de la planète.
Fort curieusement, la France ne semble pas avoir
pris conscience qu'en entonnant l'antienne mondialiste,
elle travaille pour d'autres sans aucun profit pour
elle-même. A chaque occasion, en effet, elle fait
chorus avec le "concert des nations" et
emboîte le pas de la "communauté internationale"
dans l'observance des sempiternelles résolutions
de l'Onu, tout en fournissant docilement son contingent
de soldats qui viennent, privés de leur drapeau,
s'enliser dans des conflits où ils se demandent
à quoi ils servent. Au sein de cette monstrueuse
mécanique internationaliste, les intérêts de la
France n'ont pas leur place puisque ce sont les
Américains qui donnent le ton et tranchent en fonction
de ce qui est utile à leur pays, les Français se
contentant de suivre le mouvement et d'appliquer
ce que d'autres ont décidé. Aussi, alignée sur cette
politique du nouvel ordre mondial, la France que
M. Chirac veut même faire réintégrer l'organisation
militaire de l'Otan, joue-t-elle en réalité contre
les nations et contre elle-même. Loin de mener une
politique étrangère propre, elle s'est asservie
à un projet qui n'est pas le sien et qui ne sert
pas ses intérêts.
C'est pourquoi il apparaît urgent de rompre avec
les errements actuels et de jeter les bases d'une
vraie politique étrangère qui permette à la France
de retrouver son rang et sa grandeur.
A cet égard, il est nécessaire de se fonder sur
des principes essentiels dont le plus important
est à nos yeux l'intérêt national. Dans le monde
complexe où nous vivons, la politique extérieure
doit être déterminée en toute circonstance par la
réponse à une question simple : est-ce bon pour
la France ? Seul ce qui est bénéfique pour notre
pays doit être entrepris, tout ce qui lui est néfaste
écarté. Comme en politique intérieure, c'est donc
ce critère qui doit guider les gouvernants. Un principe
qui peut sembler sommaire et dont c'est pourtant
la simplicité qui fait la force et l'efficacité.
La grande politique n'est que le bon sens appliqué
aux grandes choses, disait Napoléon. Rien n'est
plus vrai dans le domaine des relations internationales.
Dans cette perspective, l'indépendance nationale,
principe trop souvent oublié ou méprisé de nos jours,
représente pour notre pays une nécessité impérieuse.
L'indépendance, qui est aux nations ce que la liberté
est aux personnes, constitue pour un peuple le bien
le plus précieux. C'est elle qui lui assure son
autonomie et sa sécurité. C'est grâce à elle qu'il
est en mesure de choisir son destin et de prendre
la route de ses intérêts. La politique étrangère
de notre pays doit se fixer pour première mission
d'assurer l'indépendance de la France. D'autant
que cet impératif de liberté est aujourd'hui plus
facile à réaliser qu'à l'époque de la guerre froide
où deux superpuissances se partageaient la domination
du monde. Avec la dislocation de l'URSS et l'éparpillement
des conflits, la France se trouve plongée dans un
univers plus mouvant et plus éclaté où elle dispose
d'un poids relatif plus fort et d'une marge de manœuvre
plus étendue, capables de lui conférer une plus
large autonomie.
Pourtant, nombreux sont ceux pour qui l'indépendance
serait désormais une notion dépassée. Ne vivons-nous
pas dans un monde interdépendant où chacun dépend
des autres et réciproquement ? De nos jours, il
est vrai, les liens entre les nations sont tellement
resserrés qu'aucun pays développé ne peut vivre
replié sur lui-même et coupé des autres. Certes,
mais faut-il pour autant renoncer à l'indépendance
? Évidemment non ! Car, s'il est incontestable que
l'indépendance par l'autarcie n'est plus possible,
rien n'empêche cependant de la conquérir par la
puissance. Telle est en tout cas la voie choisie
par les grands pays, à commencer par les États-Unis
qui, bien qu'en étroite liaison avec le reste du
monde, conservent néanmoins une totale indépendance.
En effet, les liens qui existent par exemple entre
la France et l'Amérique ne sont plus aujourd'hui,
en réalité, que des relations de dépendance s'exerçant
au profit du plus puissant. L'objectif d'indépendance
passe donc par la nécessité de la puissance.
Cet impératif répond d'ailleurs à la réalité des
relations internationales qui ne consistent pas
en un échange naturellement harmonieux entre les
nations mais plutôt en un affrontement entre des
volontés et des intérêts antagonistes. Il apparaît
donc essentiel pour cette raison que la France cherche
à se placer en situation de supériorité chaque fois
qu'elle le peut. Car, ne l'oublions pas, la politique
étrangère, loin de se réduire au seul jeu des relations
diplomatiques, doit se fixer pour objectif de mettre
notre pays en position de force face à ses adversaires
ou à ses partenaires. De ce point de vue, la diplomatie
n'est que l'un des moyens de la politique étrangère,
laquelle doit se développer dans une logique de
puissance.
Avec la recherche de l'intérêt national et la préservation
de l'indépendance, le renforcement de la puissance
constitue la troisième condition du rayonnement
international et de la grandeur de notre pays. Pour
satisfaire à cette triple exigence, encore faut-il
que la France se dote des moyens requis par l'ampleur
du projet. Et la force militaire apparaît à cet
égard comme une nécessité évidente et impérieuse.
Or, l'armée française est aujourd'hui démantelée
par une politique de réduction budgétaire et de
dissolution des unités, initiée par les socialistes
et amplifiée par le gouvernement RPR-UDF. Elle reste
pourtant le garant essentiel de la survie, de l'autonomie
et de la grandeur de la nation, elle doit donc être
renforcée et adaptée à la nouvelle donne internationale.
La menace en effet a changé de nature. Depuis la
chute de l'Union soviétique, elle ne prend plus,
heureusement, la forme d'une attaque générale des
armées du pacte de Varsovie. Est-ce à dire cependant
qu'il n'y a plus aucun péril à l'Est ? Certainement
pas ! La dislocation du bloc communiste a laissé
des moyens militaires considérables entre les mains
de pouvoirs instables qui peuvent être supplantés
du jour au lendemain par des régimes belliqueux
et militaristes. Par ailleurs, une menace nouvelle
en provenance du Sud se fait jour. Certains pays
d'Afrique et du Moyen-Orient représentent en effet
aujourd'hui un danger potentiel pour la France et
pour l'Europe, danger qui a d'ailleurs déjà trouvé
sa concrétisation sous la forme du terrorisme et
de l'immigration. De part et d'autre de la Méditerranée,
deux mondes antagonistes risquent de s'affronter
un jour prochain : le dynamisme démographique et
la pauvreté des pays du Sud, conjugués avec la vitalité
d'un islamisme conquérant, font peser sur une Europe
riche et vieillissante une grave menace qui pourrait
prendre demain la forme d'une agression militaire.
Aussi nos forces armées doivent-elles pouvoir répondre
avec efficacité à un nouveau type de menaces, moins
classiques, plus floues et susceptibles de trouver
leur origine aussi bien au Sud qu'à l'Est, voire
dans d'autres parties éloignées du monde, en un
mot partout où les intérêts nationaux sont en jeu.
Il est donc urgent de renforcer le potentiel de
notre armée en fonction de deux priorités : l'intervention
extérieure et la défense du territoire.
Une restructuration importante des forces armées
est aujourd'hui nécessaire si l'on veut qu'elles
soient en mesure d'intervenir avec puissance et
rapidité au besoin à des milliers de kilomètres
de la métropole. A cette fin, il convient de substituer
aux forces actuelles de l'armée de terre une force
d'intervention terrestre polyvalente, particulièrement
bien équipée en hélicoptères de combat, en missiles
et blindés. L'armée de l'air devrait être dotée
d'une flotte d'avions de transport à grande capacité
et à long rayon d'action susceptible d'assurer de
façon autonome et rapide l'acheminement de fortes
unités de combat à des milliers, voire des dizaines
de milliers de kilomètres de l'hexagone. Par ailleurs,
et dans le même esprit, la marine devrait être équipée
au plus tôt de deux porte-avions nucléaires lui
conférant une forte capacité d'intervention et de
présence outre-mer. Enfin, s'il n'est pas question
de réduire le potentiel nucléaire stratégique, il
y aurait lieu de développer des armes nucléaires
miniaturisées, surtout à rayonnement neutronique,
pouvant être utilisées ponctuellement non pas en
dissuasion contre des cités mais en défense face
à des forces agressives.
La seconde priorité concerne la protection et la
sécurité du territoire. Il convient pour cela de
prévoir la mise en place d'un système de défense
anti-missile à la manière du système américain Patriot,
destiné à protéger les villes contre des tirs en
provenance du Sud. Pour le reste, la défense du
territoire, particulièrement sensible tant que seront
présentes sur notre sol de fortes communautés étrangères,
doit s'appuyer sur une garde nationale formée de
volontaires venant en soutien de la gendarmerie,
elle-même renforcée dans le cadre de ses missions
de sécurité publique. Enfin, un organisme nouveau
est à créer pour la défense des frontières et le
contrôle des populations étrangères. Rassemblant
sous une même autorité des responsabilités aujourd'hui
dispersées entre la Police de l'air et des frontières,
les Renseignements généraux et la DST, cet organisme
se verrait assigner pour tâche de rendre les frontières
étanches à l'immigration clandestine et de contrôler
les étrangers présents sur le territoire national.
Ainsi réorientée, l'armée serait en mesure de remplir
sa mission de défense et de puissance au service
de la nation.
Forte de ces principes et de ces atouts, la politique
étrangère de la France devrait, nous semble-t-il,
se développer selon cinq axes majeurs : construire
l'Europe des nations, défendre la cause des peuples,
découpler la France des États-Unis, développer la
coopération avec le Sud et tisser un réseau d'alliances
dans le monde.
S'agissant de l'Europe, des décisions d'envergure
sont à prendre d'urgence. La construction européenne,
telle qu'elle résulte de l'Acte unique et du traité
de Maastricht, crée la confusion dans nos institutions
et met en péril la nation. Pratiquant la politique
de Gribouille, les eurocrates de Bruxelles s'évertuent
à mélanger les genres, à brouiller les cartes et
cultivent l'ambiguïté. Ainsi les structures de l'Union
européenne ne sont pas fondées sur un choix clair
entre le principe fédéral, qui postule la création
d'un super-État plaçant les nations sous tutelle,
et le principe confédéral, qui respecte la souveraineté
de chaque pays membre. De même, la répartition des
pouvoirs manque de clarté. Le Conseil des ministres
est-il un sénat des États ou l'exécutif de l'Union
? La Commission de Bruxelles est-elle un gouvernement,
une administration ou les deux à la fois ? Quant
au parlement européen, il ne statue pas souverainement
en dernier ressort comme toute assemblée démocratique.
Et, s'il n'est pas un parlement, quelle est sa nature
? D'un côté, l'Union européenne prône le libéralisme
économique, mais, de l'autre, prétend l'organiser
par le truchement d'une administration tentaculaire
encore plus tatillonne que la plus envahissante
des bureaucraties nationales. Enfin, jusqu'où l'Union
peut-elle s'étendre territorialement ? Aucune réponse
claire n'a été donnée, certains envisageant même
l'adhésion de la Turquie, pays pourtant non européen.
Et que dire de la répartition des compétences entre
l'Union et les États ? Dans les principes, elle
relève de la subsidiarité mais, dans la pratique,
c'est l'omniprésence des normes bruxelloises qui
s'impose.
Plus les années passent, plus les textes et les
traités s'entassent et plus la confusion s'aggrave
avec, comme seul résultat, le délitement progressif
de la nation. Véritable peau de chagrin, l'indépendance
des États est rognée chaque jour un peu plus. Le
droit de frapper la monnaie, de réserver le vote
aux nationaux, celui de contrôler les frontières
ou d'arrêter le budget, toutes ces prérogatives
concrètes qui se rattachent à la souveraineté nationale
leur sont progressivement contestées. Les patries
européennes subissent une agression organisée et
systématique d'autant plus absurde que cette œuvre
de destruction ne sert aucune entreprise de construction.
On aurait pu en effet comprendre cette démarche
si s'édifiait, en contrepartie des nations anciennes,
une super-nation. On aurait même pu être enthousiasmé,
surtout à l'époque des deux blocs américain et russe,
par l'idée d'un grand empire européen fondé sur
l'exaltation de notre civilisation commune et destiné
à rendre à l'Europe sa puissance et son rayonnement
d'antan. Dans une telle perspective, des abandons
partiels de souveraineté auraient pu se justifier
car une nouvelle entité souveraine aurait été créée,
fondée sur des réalités immémoriales et capable
de projeter les peuples européens au premier plan
de l'histoire. Mais la construction bureaucratique
et mondialiste de Bruxelles ne comporte rien de
tel. Bien au contraire, elle refuse de prendre en
compte l'identité commune de l'Europe et ne songe
nullement à s'ériger en grande puissance. Elle ne
veut pas plus protéger ses frontières de la concurrence
sauvage et de l'immigration qu'elle n'envisage de
s'imposer face aux États-Unis ou au Japon. Comme
effarouchée par la puissance, elle se montre encore
plus impotente que chaque nation prise isolément.
Dépourvue de tout projet d'envergure susceptible
d'enthousiasmer les Européens, indifférente au passé
éblouissant de notre continent, faible, timorée
et stérile, l'Europe des eurocrates ne contribue
qu'à compliquer et amplifier les problèmes des États
membres. Véritable cheval de Troie des intérêts
étrangers, elle s'emploie à détruire notre agriculture,
accélère le phénomène de l'immigration et aggrave
le chômage et l'insécurité en facilitant à outrance
l'entrée sur notre territoire des hommes et des
produits. Aussi, pour faire cesser cette pernicieuse
dérive est-il impératif de renégocier les traités
européens et de reconstruire l'Europe sur des bases
claires et saines, celles de l'Europe des nations.
Le Mouvement national républicain n'est en effet
pas hostile à toute forme d'organisation de l'Europe.
Les nations qui composent celle-ci possèdent en
commun une même civilisation et sont soumises à
des menaces identiques. Elles peuvent donc coopérer
avec profit si les liens qui les unissent, au lieu
d'être subis comme une contrainte, sont vécus comme
une solidarité bénéfique. Et, pour répondre à la
nécessité qui pousse les peuples européens à consolider
les relations de fraternité qui les rassemblent,
il faut s'engager dans la voie d'une confédération
des nations européennes. Respectant scrupuleusement
la souveraineté de chaque État, cette confédération,
fondée sur la commune identité des patries d'Europe,
se consacrerait à la défense et à la promotion de
la civilisation européenne considérée comme le creuset
de l'unité face aux autres grands ensembles mondiaux.
Dans cet esprit, l'Europe des nations adopterait
une démarche identitaire sans ambiguïté consistant
à reconnaître à toutes les patries européennes,
et à elles seules, le droit à faire partie de la
confédération, celle-ci devant appliquer systématiquement
le principe hiérarchisé de la préférence nationale
et de la préférence européenne, notamment en matière
d'immigration et de commerce. La confédération aurait
par ailleurs mission de rendre aux nations européennes
ce qu'elles ne peuvent dorénavant atteindre isolément,
à savoir la puissance. Ses compétences devraient
donc s'exercer principalement dans les deux secteurs
où cette dernière leur fait le plus défaut, c'est-à-dire
dans le domaine économique et militaire.
Toutes ces conditions étant réunies, il n'y aurait
pas d'inconvénient à la constitution du grand marché
européen, un grand marché qui, bien entendu, serait
protégé et défendu contre la concurrence sauvage
à laquelle nous soumettent les autres continents.
De plus, au lieu d'instaurer comme aujourd'hui une
intégration forcée à coup de règlements, mieux vaudrait
laisser jouer la concurrence interne, non seulement
entre les produits mais entre les normes, et mettre
en œuvre une coopération technique féconde, celle
qui a permis à l'Europe de réaliser ses plus beaux
succès économiques : Airbus et Ariane.
Sur le plan de la défense, nous sommes partisans
de la création d'une alliance militaire européenne.
En ce domaine aussi, il est absurde de vouloir procéder
par intégration comme pour l'Eurocorps où les armées
des nations seraient amenées à se fondre en une
utopique armée internationale. Pourquoi ne pas recourir
à la méthode traditionnelle de l'alliance, déjà
pratiquée avec succès lors de la Première Guerre
mondiale par exemple ? Outre qu'elle respecte la
souveraineté des États et l'intégrité de leurs armées,
une alliance permet d'additionner et de coordonner
des forces pour combattre ensemble un ennemi commun.
La création d'une telle entente conférerait à l'Europe
une puissance militaire de premier plan grâce à
laquelle elle pourrait peser réellement dans le
monde. Cette alliance, qui se substituerait à l'Otan
devenue obsolète, rendrait enfin possible l'émancipation
des nations européennes, aujourd'hui placées sous
la tutelle des États-Unis.
Dans le cadre de la confédération, pourrait également
être créé un système de sécurité collective destiné
à régler les conflits du type de celui qui a fait
rage ces dernières années sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
Car il est profondément humiliant que de tels troubles
soient l'occasion pour des puissances ou des organisations
extérieures à l'Europe d'intervenir au cœur de notre
vieux continent et il est choquant que la paix ait
commencé à revenir en ex-Yougoslavie, du jour seulement
où les Américains sont intervenus. La création d'une
instance européenne de règlement des conflits, comparable,
à l'échelle de l'Europe, au Conseil de sécurité
de l'Onu, pourrait éviter l'apparition de pareils
désordres, à condition qu'elle soit fondée sur une
charte garantissant le principe national d'un peuple
sur un territoire, prévoyant l'autodétermination
des populations, les modifications de frontière
par référendum et la protection des minorités.
Aux antipodes de l'Europe de Maastricht, l'Europe
des nations ainsi définie, loin de détruire les
patries, contribuerait à les fortifier. Certes,
il s'agit là d'un projet dont la mise en œuvre nécessite
l'accord des autres pays. Cependant la France devrait
prendre l'initiative de se dégager, unilatéralement
et pour ce qui la concerne, des contraintes illégitimes
que comportent les traités et proposer en contrepartie
sa vision de la construction européenne. Au lieu
d'adopter une attitude de soumission passive, notre
pays devrait prendre la tête, en Europe comme à
l'échelle de la planète, d'une croisade de défense
des nations. Tel est d'ailleurs le deuxième axe
de la politique étrangère du mouvement lepéniste
: faire de la France le champion de la cause des
nations.
Aujourd'hui, en effet, le salutaire et nécessaire
réveil des nationalités auquel nous assistons est
combattu par les sectateurs du mondialisme qui utilisent
l'argument des conflits interethniques survenus
en Europe et ailleurs pour tenter de limiter l'indépendance
et la souveraineté des nations. Cette attitude particulièrement
hypocrite est destinée en réalité à masquer une
démarche hégémonique conduite sous le couvert du
nouvel ordre mondial et visant à placer les États
sous la tutelle des pays les plus forts. Car, dans
la pratique, ce sont les nations faibles qui subissent
l'ingérence des nations puissantes et ce sont ces
dernières, notamment les États-Unis, qui définissent
l'ordre mondial à imposer aux premières. Cette imposture
intolérable doit donc être dénoncée et nous militons
pour que la France s'en charge et multiplie les
actions diplomatiques en ce sens dans le monde entier.
Notre pays devrait clamer haut et fort son opposition
à ce prétendu nouvel ordre mondial que certains
tentent, par le biais de l'Onu, de substituer frauduleusement
au fait national. Et c'est à faire reconnaître ce
dernier comme principe fondateur de l'ordre international
que devrait s'employer notre diplomatie. Dans cet
esprit, il appartient à la France de prendre systématiquement
parti en faveur des nations et de leur souveraineté.
Là où le mélange des populations et le flou des
frontières suscitent des conflits, voire des haines
sanglantes comme en Bosnie, il reviendrait à notre
pays d'intervenir pour la paix en faisant prévaloir
les critères d'un ordre fondé sur le fait national.
En effet, ce n'est pas le nationalisme qui suscite
les guerres, mais le sentiment national contrarié.
Tel est le cas en Europe où les conflits ont une
cause unique : le mélange de peuples différents
sur un même territoire. Il convient donc, pour que
cessent ces affrontements, d'établir chaque peuple
sur un sol qui soit le sien, conformément aux principes
de la charte sur la sécurité collective en Europe.
En brandissant l'étendard de la défense des nations,
la France serait appelée à jouer un rôle planétaire
visant à remplacer le nouvel ordre mondial par un
nouvel ordre national. Une telle entreprise n'est-elle
pas dans la droite ligne de sa vocation historique
? La France n'a-t-elle pas maintes fois au cours
des siècles constitué un modèle pour d'autres peuples
ou indiqué la voie à suivre à d'autres nations ?
Une démarche de cette nature contribuerait grandement
à la stabilité du monde et au prestige de la France.
En outre, elle fournirait à notre pays l'occasion
de remettre en cause les institutions internationales
néfastes pour ses intérêts, sans courir le risque
de se retrouver isolé sur la scène diplomatique.
En proposant une autre vision de l'organisation
du monde et en ralliant à cette cause de nombreuses
nations, il s'attirerait la sympathie de plus d'un
peuple et gagnerait l'appui de nombreux États. Ayant
acquis ainsi une dimension internationale considérable,
la France serait en mesure d'exiger, dans un rapport
de force favorable, la modification ou l'abrogation
de pratiques internationales aussi contestables
que le libre-échangisme mondial ou la supranationalité
européenne.
Pour atteindre cet objectif, la France doit impérativement
revoir la nature de ses relations avec les États-Unis
d'Amérique et rompre le lien de dépendance qui soumet
trop souvent notre pays aux décisions de Washington.
Déjà l'emprise américaine sur la mode, le cinéma,
la musique, la télévision et la langue met en cause
notre identité et pénalise notre culture. Mais,
au-delà, la suprématie que l'Amérique cherche à
faire prévaloir dans les domaines économique et
diplomatique compromet l'indépendance et la souveraineté
de notre pays en même temps que ses intérêts fondamentaux.
A travers le Gatt, les États-Unis s'efforcent en
effet de conquérir des avantages commerciaux sur
les Européens et obtiennent gain de cause face à
une Communauté européenne soumise et docile. De
même, par le truchement du nouvel ordre mondial,
ils s'emploient à manipuler les Nations unies et
à légitimer des opérations de police internationale
menées à leur seul bénéfice, comme on a pu le constater
dans la guerre du Golfe. Curieusement, la France
entre dans ce jeu et tient le rôle servile du fidèle
toutou qui reproduit systématiquement, à une échelle
réduite et sans aucun profit, ce que les Américains
font en grand et dans leur seul intérêt.
Aussi est-il temps de dégager la France et l'Europe
de la tutelle des États-Unis. Les nations européennes,
et la France en particulier, disposent des moyens
de cette émancipation. Encore faut-il qu'elles en
manifestent la volonté politique et qu'elles se
prononcent pour la dissolution de l'organisation
qui, pendant cinquante ans, a symbolisé la soumission
de l'Europe à l'égard de l'Amérique. Conçue à l'origine
pour faire contrepoids à la puissance soviétique,
l'Otan ne se justifie plus et doit être remplacée
progressivement par l'alliance militaire européenne.
La décision qui consiste pour la France à prendre
ses distances à l'égard des États-Unis se révèle
aujourd'hui d'autant plus indispensable que la société
américaine incarne chaque jour davantage le modèle
idéologique que nous combattons. En effet, si les
Américains peuvent rester à bien des égards des
amis de la France, force est de constater qu'ils
se sont faits les chantres du nouvel ordre mondial
dont nous voulons prendre le contre-pied et que
leur société se développe selon le schéma cosmopolite
que nous refusons chez nous. Un schéma fondé sur
le melting-pot qui fut pratiqué avec bonheur outre-Atlantique
lorsqu'il s'agissait de mêler des populations européennes
et chrétiennes, mais qui s'étend maintenant à tous
les peuples du monde et provoque l'éclatement d'une
société débordée par la violence, la drogue et des
tensions ethniques de plus en plus inquiétantes.
Alors même que les États-Unis ne peuvent donc plus
constituer une référence pour la France, notre nation
doit se dégager de leur influence.
A l'inverse, la politique étrangère française doit
chercher à accroître le crédit de notre pays en
direction des États du Sud, dans le cadre d'une
nouvelle politique de coopération.
Les pays situés au sud de la Méditerranée représentent,
il est vrai, d'incontestables menaces pour la France
et pour l'Europe. Aussi est-il nécessaire de prendre
les précautions militaires indispensables. Cette
légitime vigilance n'implique cependant pas que
la France se crispe dans une attitude défensive
et hostile. Bien au contraire, elle doit intensifier
sa politique de présence au sud, accroître son aide
aux pays moins développés et rechercher l'amitié
de leurs peuples. En prenant la défense des nations
contre le nouvel ordre mondial, la France peut d'ailleurs
se trouver naturellement en convergence d'intérêts
avec ces pays. Aussi sera-t-elle bien placée pour
lancer une politique de coopération rénovée.
Celle-ci, qui doit se fonder non pas sur une prétendue
culpabilité coloniale de la France, mais sur le
principe de la réciprocité entre États souverains,
ne peut donc pas s'appliquer sans discernement au
bénéfice de toutes nos anciennes colonies. La France
n'a pas à favoriser les pays qui lui sont hostiles,
mais se doit d'accorder son assistance aux peuples
qui s'affichent comme ses amis et sont prêts à l'aider
en retour pour régler le problème de l'immigration.
Une dimension qui permettra d'ailleurs de donner
un nouvel essor et une efficacité supplémentaire
aux actions de développement économique. Notre pays
pourra en effet financer et piloter de vastes programmes
visant à implanter et à valoriser la main-d'œuvre
immigrée formée chez nous revenue dans son pays
d'origine. La France n'hésitera pas d'autre part
à intensifier sa présence, notamment en Afrique
noire, pour assurer le fonctionnement des services
essentiels à la population et pour éviter qu'on
en n'arrive à des situations à la somalienne ou
à la rwandaise.
Au-delà de la politique d'aide et de coopération,
la France devra s'efforcer de constituer à travers
le monde un réseau d'alliances pour défendre ses
intérêts, renforcer sa puissance et étendre son
rayonnement.
Pour commencer, il convient de valoriser nos terres
d'outre-mer grâce auxquelles la présence française
est garantie dans les Amériques, dans l'océan Indien
et dans le Pacifique. Avec elles, la France dispose
d'un domaine maritime considérable et de points
d'appui stratégiques précieux. Aussi ces départements
et territoires doivent-ils bénéficier d'un plus
grand développement économique susceptible de les
maintenir dans l'ensemble français et de fixer sur
place les populations locales.
Ensuite la France doit se préoccuper de tisser des
liens étroits avec les populations francophones
européennes ou d'origine européenne. Le Québec notamment
doit être l'objet de toute notre sollicitude : pourquoi
ne pas lui proposer la création de liens institutionnels
avec la République ? Et pourquoi ne pas établir
des relations analogues avec les Wallons ? Ou, mieux
encore, pourquoi la France ne ferait-elle pas savoir
qu'en cas d'indépendance de la Flandre, elle serait
prête à accueillir la Wallonie au sein de la nation
française ?
Ce réseau d'alliances devra également s'étendre
à l'ensemble des peuples, notamment à ceux d'Afrique
et du Maghreb, avec lesquels la France aura consolidé
ses liens de coopération. Ainsi, pour des raisons
de solidarité spirituelle, devrons-nous soutenir
tout particulièrement les chrétiens du Liban afin
qu'ils puissent recouvrer un jour leur liberté et
leur autonomie.
Dans les autres continents, notamment en Amérique
du Sud et en Asie où la France est traditionnellement
moins présente, il conviendra de choisir quelques
pays avec lesquels pourront être développés des
liens étroits d'amitié et de coopération. Pour que
notre pays ne disperse pas inutilement ses efforts,
ces États devront être en nombre réduit mais, pour
peu, naturellement, qu'ils y trouvent leur intérêt,
ils offriront à la France la possibilité de rayonner
puissamment à partir de leur territoire.
Ainsi, en assurant son indépendance, notamment face
aux États-Unis, en se faisant le champion de la
cause des peuples, en militant pour une Europe des
nations, en développant une politique de coopération
rénovée et en tissant un réseau d'alliances à travers
le monde, la France assurera son avenir, développera
sa puissance et amplifiera son rayonnement. Elle
se mettra ainsi dans la meilleure position pour
défendre ses intérêts mais, ce faisant, elle œuvrera
à la paix du monde et à l'épanouissement des peuples.
En un mot, elle renouera avec la grandeur.