Principal moteur de l'économie, l'entreprise doit
faire l'objet de toutes les attentions de l'État et
constituer une priorité pour la politique gouvernementale.
Si, en effet, le but premier du système économique
est la production des biens et des services, qui,
sinon l'entreprise, accomplit cette tâche ? Et selon
que celle-ci sera entravée par des contraintes, écrasée
de charges et vilipendée devant l'opinion ou, au contraire,
libérée, allégée, encouragée et respectée, notre pays
connaîtra le marasme ou la prospérité. Comment, dès
lors, ne pas vouloir rendre aux acteurs productifs
de notre pays la place et la liberté qu'ils méritent
et dont ils ont besoin pour accomplir leur mission
au service de la nation ?
Une machine à produire
Aujourd'hui, le rôle bénéfique de l'entreprise dans
l'économie est loin d'être reconnu par les faiseurs
d'opinion pour qui ce sont encore les grandes institutions
collectives qui doivent jouir du prestige ou de la
sympathie du public. Tout ce qui relève des structures
étatiques tout ce qui est lié au monde syndical ou
associatif est davantage considéré et valorisé par
le gouvernement et les médias que le secteur des producteurs
et des acteurs économiques. Bien que les valeurs marchandes
occupent une place dominante dans notre pays, les
entreprises industrielles ou commerciales sont paradoxalement
les mal aimées de la société actuelle. Reléguées en
quelque sorte dans les soutes de la nation, on leur
demande de produire des richesses sans leur en donner
les moyens mais en les accablant de contraintes et
de règlements dé p]us en plus tatillons. On voudrait
qu'elles créent des emplois, tout en les alourdissant
de charges et d'impôts. On les blâme quand elles licencient,
mais on leur demande une efficacité sans cesse accrue
dans la compétition internationale. On les montre
du doigt lorsqu'elles délocalisent leurs activités
à l'étranger, mais on laisse notre pays grand ouvert
à la concurrence sauvage. On les critique si elles
perdent des parts de marché face à leurs concurrents
étrangers, mais on ne les place pas à armes égales
avec ces derniers. Bref, on leur demande de se battre
et de gagner pour créer de la richesse et des emplois,
mais, dans le même temps, on continue à ne voir en
elles que 1'hydre capitaliste abhorrée qui exploite
le travailleur et trompe le consommateur. Toujours
très imprégnée par la pensée marxiste, notre société
considère trop souvent encore l'entreprise comme un
lieu d'exploitation des individus, un instrument d'enrichissement
illégitime des patrons et une source inépuisable de
richesses que l'on peut ponctionner sans retenue.
Tel demeure le discours archaïque du parti communiste
et des syndicats institutionnels qui refusent de voir
le monde économique et social dans sa réalité.
Les entreprises sont pourtant fort éloignées des
schémas qu'impose la gauche traditionnelle. Elles
ne fonctionnent pas comme des gisements de richesse
à débusquer et à répartir, mais comme des machines
à produire des biens et des services. Toute dépense,
qu'elle soit légitime comme les salaires ou l'achat
des matières premières et des outils de production,
ou stérile et souvent abusive comme les ponctions
fiscales et sociales, se retrouve au bout du compte
dans les coûts de revient et donc dans les prix de
vente des produits qui doivent pourtant rester suffisamment
compétitifs pour trouver des acheteurs. Quant au profit,
qui ne représente généralement qu'une fraction infime
du chiffre d'affaires global, il se révèle indispensable
en tant que critère de bonne gestion, facteur de motivation
et source d'autofinancement des investissements. L'entreprise,
qui n'a rien à voir avec ce lieu d'exploitation et
de lutte décrit naguère par les marxistes, apparaît
au contraire comme une étonnante machine à produire
de la richesse. Si elle est bien sûr loin d'être parfaite,
elle constitue cependant la base même du système de
production et d'échange et demeure irremplaçable comme
source première de la prospérité.
La libération des entreprises
Pour toutes ces raisons, l'entreprise doit retrouver
sa place éminente dans l'économie nationale, elle
doit être traitée comme le principal moteur économique
et, à ce titre, faire l'objet d'une priorité absolue.
Il convient donc de mettre en œuvre un vaste plan
de promotion de l'entreprise française qui tourne
le dos aux pratiques actuelles. En effet, pour aider
les sociétés, l'établissement ne connaît qu'une méthode:
le recours aux subventions. Or, ce procédé est néfaste,
car une entreprise saine doit précisément pouvoir
vivre, créer et se développer par la seule vertu de
son activité propre, sans l'appui de quiconque. Il
ne s'agit donc pas de multiplier les mesures d'aide
aux sociétés industrielles et commerciales, mais bien
plutôt de les libérer de toutes les contraintes qui
entravent leur fonctionnement et freinent leur expansion.
L'objectif est de créer l'environnement qui favorisera
leur essor et leur rendra la pleine maîtrise de leur
propre gestion. Voici l'esprit qui préside au plan
de libération des entreprises préconisé par le Mouvement
national républicain, un plan dont l'application devra
porter prioritairement sur les petites et moyennes
entreprises.
Avec 64 p. cent du chiffre d'affaires global des
entreprises françaises, les PME constituent en effet
la chair du corps économique de notre pays. De plus,
ce sont elles qui peuvent créer le plus grand nombre
d'emplois nouveaux quand les grands groupes industriels
se trouvent encore enlisés dans des plans de restructuration
et donc de licenciements. Par ailleurs, véritable
tissu vivant en perpétuel renouvellement, les PME
se multiplient au rythme de plus de deux cent mille
par an, alors qu'on voit rarement une grande entreprise
se créer de toutes pièces. C'est donc par leur truchement
que le corps des entreprises françaises se régénère
et peut se développer. Enfin, les PME, en raison de
la souplesse de leurs structures, s'adaptent aisément
aux grands changements que connaît aujourd'hui le
monde. Capacité d'innovation, faculté d'adaptation,
aptitude à saisir l'occasion favorable, à faire face
aux difficultés et à accepter les risques, autant
d'atouts qui font des PME les outils privilégiés d'une
économie en restructuration, disposée à reprendre
l'offensive industrielle et commerciale.
Certes, les grandes entreprises ont aussi leur rôle
à jouer comme armature de notre économie. Par leur
puissance et leurs réseaux, elles représentent des
instruments majeurs dans la confrontation industrielle
avec les autres pays développés. Mais, de par leur
taille et leur assise désormais souvent internationale,
elles souffrent moins que les PME des contraintes
de l'environnement étatiste français. Quant à celles
qui sont encore nationalisées et dans la mesure ou
elles n'assurent pas un service public ou une mission
stratégique, elles seront privatisées et disposeront
donc des mêmes avantages que tous les grands groupes
privés. C'est la raison pour laquelle le plan de libération
des entreprises, qui concernera toutes les sociétés,
donnera néanmoins la priorité aux PME.
Dans ce cadre, il conviendra d'alléger la réglementation
qui étrangle les entreprises, de faciliter les financements
dont elles ont besoin, d'améliorer l'environnement
dans lequel elles baignent et de favoriser la motivation
de leurs dirigeants et de leurs salariés.
La maîtrise des leviers
La réglementation à laquelle elles sont soumises
constitue généralement un obstacle à leur développement.
Les textes qui les régissent, loin d'assurer leur
protection et de garantir la bonne marche de leurs
activités, semblent au contraire avoir été conçus
dans un esprit de défiance et de quasi-hostilité à
leur égard. Cela est si vrai que la législation qui
leur est appliquée apparaît aujourd'hui inextricable.
Code fiscal, code de la sécurité sociale, code du
travail, code du commerce, au total plus de huit mille
pages souvent incompréhensibles à qui n'est pas juriste.
Le rapport de M. Dalle, pourtant réputé à gauche,
décrit la réglementation du code du travail comme
" à la fois complexe, non cohérente, arbitraire, archaïque,
parcellisée, instable, coûteuse et finalement inefficace
au regard des principes qu'elle veut défendre". La
boulimie normative de l'État se traduit donc pour
les sociétés qui la subissent par des coûts supplémentaires,
des occasions manquées et des adaptations non réalisées.
La puissance publique se doit donc d'entreprendre
un effort considérable pour la clarifier et la réduire.
C'est dans cet état d'esprit que les fonctionnaires
doivent dorénavant engager un travail de déréglementation
réaliste mais significatif. D'une façon plus précise,
il faut rendre aux entrepreneurs la libre disposition
des principaux leviers qui leurs sont nécessaires
pour la direction de leurs affaires. Déjà, la réglementation
des prix a été presque totalement supprimée, rendant
ainsi aux chefs d'entreprise la capacité de fixer
ceux-ci par eux-mêmes en fonction des contraintes
du marché.
Des effectifs libres
Toujours dans la même perspective, il faut permettre
aux dirigeants de société de décider librement de
la taille de leurs effectifs, car, si l'embauche est
libre, il importe que, dans le respect des contrats
de travail, les licenciements le soient également.
Le nombre des salariés constituant souvent un facteur
important du prix de revient, il est donc essentiel
que le chef d'entreprise puisse ajuster ses effectifs
en fonction de la situation. Si on l'empêche de le
faire, on le contraint à des surcoûts qui peuvent
se révéler fatals. En effet, combien de sociétés n'ont-elles
pas été conduites au dépôt de bilan parce que l'administration
refusait ou freinait des licenciements ? Et comment
ne pas voir le caractère paradoxal de cette réglementation
qui, conçue à l'origine pour protéger les emplois,
provoque en réalité leur destruction en nombre souvent
supérieur à ceux qu'on prétendait préserver ? Il est
en effet absurde de vouloir combattre le chômage en
bloquant artificiellement les inévitables ajustements
économiques. En les retardant, on ne fait qu'en augmenter
l'ampleur et, loin de réduire le chômage, on l'aggrave.
En revanche, la liberté d'adapter les effectifs
aux nécessités de l'entreprise constitue en réalité
un facteur de maintien, voire de développement, de
l'emploi en général. En effet, beaucoup de patrons
hésitent à embaucher du personnel par crainte de ne
pouvoir ensuite débaucher si, par malheur, la conjoncture
l'impose. Et cette inquiétude est si forte que certains
dirigeants en viennent à maintenir délibérément leur
société en sous effectif plutôt que de courir le risque
d'alourdir leurs frais fixes. 11 faut donc se garder
de rétablir 1'autorisation administrative de licenciement,
mais il faut aussi dans ce domaine cantonner les services
de l'État dans un rôle de garant du droit sans pouvoir
d'intervention a priori.
De la même manière, il apparaît aujourd'hui souhaitable
de supprimer les seuils sociaux qui, à dix et cinquante
salariés, entraînent des contraintes telles que beaucoup
d'entrepreneurs renoncent à embaucher pour éviter
de franchir le seuil fatidique. On peut certes critiquer
une telle attitude et soupçonner les dirigeants de
mauvaise volonté à l'égard de leur personnel. Mais
l'économie est le domaine des réalités concrètes,
aussi, lorsqu'une mesure provoque des effets pervers
qui pénalisent l'emploi, il ne faut pas craindre d'y
renoncer, car il y va de l'intérêt de tous les acteurs.
Les lois doivent donc être modifiées en vue d'instaurer
un dispositif permanent de représentation et de défense
des salariés indépendant des variations d'effectif.
Des horaires souples
Il convient d'autre part d'assouplir la réglementation
sur le temps de travail pour permettre aux entreprises
de mieux s'adapter aux difficultés qu'elles rencontrent.
Il est en effet malsain que, pour gérer les variations
de la demande, elles n'aient à leur disposition que
le recours au chômage à temps partiel et aux heures
supplémentaires, lesquelles ne sont d'ailleurs pas
toujours payées. Ventes saisonnières, annulations
de contrat, commandes inattendues, aléas techniques,
autant de situations souvent imprévisibles qu'une
réglementation trop rigide empêche aujourd'hui de
maîtriser efficacement. Résultat : des marchés perdus
ou des commandes honorées avec retard au plus grand
mécontentement du client.
Certes, il n'est pas question de remettre en cause
la protection des salariés. La durée légale de travail
doit être maintenue à trente-neuf heures et le principe
du repos hebdomadaire respecté. Pour autant, à l'intérieur
de ce cadre, les employeurs comme les salariés doivent
pouvoir disposer d'une marge de manœuvre suffisante
leur permettant d'adapter les horaires aux situations
particulières qu'ils rencontrent et d'envisager des
solutions originales. Pourquoi ne pas faciliter le
recours aux horaires variables ? Pourquoi ne pas encourager
les dispositifs de temps partiel, les solutions de
travail à domicile ou de télétravail ? Le choix opéré
par Pernod Ricard, consistant à découper l'année en
deux périodes pour adapter la production à une consommation
qui varie selon les saisons, est à cet égard intéressant.
Pendant la période rouge, les heures effectuées au-delà
de la durée légale sont payées 70 p. cent de mieux
et récupérées pendant la période bleue. Chacun y trouve
son compte, aussi bien l'entreprise que les salariés,
et cet accord conjoint constitue bien sûr la condition
sine qua non pour procéder à tout aménagement. Notons
cependant que les dirigeants d'entreprise ne sont
pas les seuls demandeurs de telles adaptations d'horaires.
Beaucoup de Français seraient heureux de pouvoir travailler
plus, pendant certaines périodes, pour disposer, à
d'autres moments de la semaine, du mois ou de l'année,
d'un temps de loisir plus important, surtout si de
tels aménagements s'accompagnent d'un supplément de
salaire. Seules les technocraties syndicales et étatiques
murées dans leur archaïsme rechignent à s'adapter
aux nouvelles conditions du monde moderne. Inversement,
entrepreneurs et salariés sont ouverts à ces nouvelles
dispositions et considèrent en ce sens la souplesse
du temps de travail comme un progrès social à mettre
en œuvre.
L'apprentissage revalorisé
Ce surcroît de liberté à donner aux entreprises
dans la conduite de leur développement doit s'accompagner
par ailleurs d'un effort important pour adapter la
formation à leurs besoins. Aujourd'hui, en pleine
période de chômage, il n'est pas rare que des dirigeants
de société ne trouvent pas de personnel qualifié pour
occuper les postes qu'ils proposent. La main-d'œuvre
de qualité devient rare par la faute de l'éducation
nationale qui a failli à sa tâche. En voulant exercer
un quasi-monopole sur l'enseignement technique, en
le considérant comme une formation de second ordre
et en cultivant une méfiance atavique à l'égard du
monde du travail, le ministère de la rue de Grenelle
a créé sur le marché de l'emploi un vide paradoxal
qui pénalise aujourd'hui les entreprises comme les
jeunes Français.
Il est donc essentiel de remédier au plus vite à
cette grave insuffisance en développant de façon massive
et systématique le recours à l'apprentissage. Encore
est-il nécessaire au préalable de le sortir de l'impasse
où il a été relégué par l'éducation nationale. Aujourd'hui
victime des options idéologiques de l'établissement
enseignant, réduit à la portion congrue et considéré
comme une sorte de dépotoir éducatif, l'apprentissage
doit devenir demain le fer de lance du nouvel enseignement
professionnel. Cette méthode de formation sur le tas,
dans l'entreprise, complétée par des cours à l'école
reste en effet inégalée. Plongés d'emblée dans le
monde du travail où ils sont encadrés par des professionnels,
formés sur des machines opérationnelles et confrontés
aux exigences de qualité propres à l'entreprise, les
élèves acquièrent dès le plus jeune âge la rigueur
nécessaire à l'exercice d'un métier: le respect des
horaires, de la discipline et de la hiérarchie, toutes
choses que l'éducation nationale est dorénavant incapable
de leur inculquer. L'apprentissage commencé dès l'âge
de quatorze ans représente donc le meilleur moyen
d'apprendre un métier, mais aussi la filière de formation
la moins coûteuse pour la collectivité. Est-ce un
hasard si l'Allemagne, qui a largement misé sur ce
type de formation, ne manque pas de main-d'œuvre qualifiée
et ne connaît pas le problème spécifique du chômage
des jeunes ?
Une grande politique de l'apprentissage fera donc
de ce dernier la voie d'accès privilégiée à tous les
métiers. Confié à des contremaîtres expérimentés,
géré par les représentants des professions, intégré
dans l'organisation des entreprises, l'apprentissage
retrouvera ainsi ses lettres de noblesse et offrira
aux jeunes Français une formation qu'ils pourront
valoriser sur le marché de l'emploi et dont ils pourront
être fiers. D'autant que son essor s'accompagnera
d'une réhabilitation du travail manuel permettant
aux cols bleus de retrouver la place et la considération
légitime qui leur reviennent dans la nation. Quant
aux entreprises, elles pourront enfin trouver les
salariés de qualité réellement adaptés à leurs besoins,
pour peu qu'elles acceptent de prendre dans leurs
ateliers un quota d'apprentis. Cet intérêt des entreprises
à la formation des jeunes gens devra d'ailleurs être
encouragé et élargi, au-delà même de l'apprentissage,
à l'ensemble de l'enseignement professionnel. Car
celui-ci aussi devra être revalorisé, notamment par
la recherche systématique de l'excellence, le recours
à l'émulation et la reconnaissance du mérite.
Non à l'argent d'État
La libération des entreprises exige en troisième
lieu que leur financement puisse être assuré plus
facilement qu'à l'heure actuelle. En effet, handicapées
par de lourdes ponctions fiscales et sociales, malmenées
par la concurrence internationale, les sociétés françaises,
malgré leur remarquable productivité, ne réalisent
pas, contrairement par exemple aux firmes allemandes
ou américaines, des profits suffisants pour dégager
une masse d'autofinancement significative. Elles se
trouvent dès lors pénalisées dans leur capacité d'investissement
puisque, contraintes de se tourner vers des sources
de financement externe, elles se heurtent à la rigidité
du marché des capitaux et du marché financier. Marchés
qui, en France, ne sont pas adaptés à leurs exigences,
car dominés indirectement par l'État qui fait tout
pour encadrer et diriger l'argent frais en fonction
de ses propres besoins. Ainsi, de nombreux produits
financiers ne sont conçus que pour faire converger
l'épargne des Français vers les circuits publics.
La Caisse des dépôts et consignations, par exemple,
ne sert qu'à monopoliser l'épargne populaire au service
des collectivités publiques. Ainsi, en exerçant une
sorte de captation à son profit de l'épargne nationale,
l'État à la fois raréfie et renchérit l'argent disponible
pour les entreprises.
Pour ce qui est du système bancaire, il a été lui-même
entièrement étatisé et ne se remet que très progressivement
de la mainmise bureaucratique qu'il a subie, ce qui
le rend trop souvent inadapté au monde de l'entreprise.
S'agissant des PME en particulier, il est incapable
de prendre le moindre risque et n'octroie des financements
qu'avec la prudence d'un usurier. Face aux très grandes
entreprises, en revanche, ses dirigeants, prisonniers
de leur connivence avec la technostructure, se lancent
souvent sans discernement dans des financements aussi
massifs que hasardeux, comme le Crédit Lyonnais en
a fait la pitoyable démonstration. Dans un cas comme
dans l'autre, le système bancaire ne remplit pas son
rôle, sans compter que les taux qu'il pratique, conditionnés
par la politique gouvernementale du franc fort, sont
particulièrement élevés, handicapant ainsi encore
davantage le financement des entreprises.
Le financement facilité
Pour rendre aux sociétés françaises une plus grande
liberté de financement, il est donc essentiel de leur
assurer d'abord une véritable capacité d'autofinancement.
Une solution, une seule, s'impose, qui consiste
à réduire les prélèvements obligatoires que leur font
supporter les organismes sociaux, les collectivités
territoriales et l'Etat. Ainsi, les cotisations sociales
de solidarité cesseront d'être ponctionnées sur les
entreprises pour être transférées sur le budget de
l'État, les assurances sociales seront réformées pour
permettre la maîtrise des cotisations et la taxe professionnelle
sera supprimée. Des mesures qui, ajoutées aux allégements
de charges résultant de la baisse du chômage, pourront
à terme représenter une diminution globale des prélèvements
sur les entreprises de l'ordre de 400 milliards de
francs, somme susceptible d'être intégralement transformée
en fonds propres.
Dans le même esprit, un effort considérable devra
être accompli pour diriger de nouveau l'épargne des
Français en direction des agents productifs. A cette
fin, la réglementation du marché financier devra être
allégée et réformée de façon à faciliter son accès
pour les entreprises. Les investisseurs publics institutionnels,
de leur côté, subiront des empiétements destinés à
réduire leur poids et leur influence. Ainsi la Caisse
des dépôts devra-t-elle se séparer de la plupart de
ses filiales qui pourront alors être privatisées.
Quant aux banques, dont le programme de dénationalisation
devra être mené à son terme, elles seront appelées
à se dégager de la tutelle du Trésor. Le financement
des entreprises pourra dès lors s'effectuer plus facilement
et de façon plus abondante. D'autant que le programme
de réduction des déficits budgétaires et de remboursement
de la dette de l'État libérera des masses de capitaux
considérables et que, dans le même temps, l'abandon
de la politique du franc fort et la baisse des taux
d'intérêt réduiront le coût de l'argent.
Il conviendra cependant de prévoir des dispositions
particulières propres à faciliter le financement des
PME, en encourageant à leur profit la constitution
d'un authentique capitalisme populaire. A cette fin,
des mesures fiscales seront prises pour inciter les
personnes privées à participer au capital des PME
et notamment à celui des entreprises qui se créent.
Dans le même esprit, la création de sociétés de capital
risque capables d'assurer, sans garanties majeures,
le financement de projets d'entreprise crédibles sera
fortement encouragée.
Protéger les petits
Selon les mêmes perspectives, il importe de protéger
les PME des contraintes financières illégitimes que
peut entraîner paradoxalement un excès de libéralisme
lorsque les lois du capitalisme sauvage finissent
par asservir les petits aux puissants, sans autre
logique que le rapport de force le plus brutal. Il
en résulte souvent des distorsions économiques qui
causent un grave préjudice à l'équilibre du marché
et à l'harmonie du système de production.
Tel est le cas lorsque les PME se trouvent confrontées
aux exigences souvent insupportables des géants de
la grande distribution. Ceux-ci n'hésitent pas en
effet, pour réduire leurs coûts au minimum, à imposer
à leurs fournisseurs des tarifs souvent même inférieurs
aux coûts de fabrication et à exiger d'eux des délais
de paiement de plusieurs mois. Ces petites ou ces
moyennes entreprises se trouvent alors contraintes
de vendre à perte et d'assumer des frais financiers
considérables sous peine de perdre l'essentiel de
leurs débouchés.
Des mécanismes analogues peuvent s'observer dans
le secteur du bâtiment où les PME subissent la concurrence
déloyale d'entreprises souvent clandestines qui, au
bénéfice des grands groupes, cassent les prix des
travaux de sous-traitance. Il convient donc de renforcer
les règles propres à protéger la liberté des petites
et moyennes entreprises. La vente à perte doit, dans
cette perspective, être totalement interdite et des
délais de paiements raisonnables imposés par la loi.
Quant au travail noir et clandestin, il doit être
impitoyablement pourchasse et réprimé.
Les comités stratégiques
Pour renforcer encore la liberté des entreprises,
il faut de surcroît leur assurer un environnement
favorable au regard de la concurrence internationale.
Si en effet les sociétés françaises se trouvent prises
à la gorge par une concurrence déloyale, leur marge
de manœuvre sera nulle et leur mort quasi assurée.
Certes, il n'est pas question de vouloir soustraire
les entreprises françaises au jeu bénéfique de la
concurrence, y compris celle qui vient de l'étranger.
Mais, parce que la compétition internationale prend
la dimension et l'intensité d'une véritable guerre
économique où tous les coups sont permis, il devient
du devoir de l'État de soutenir au mieux les formes
françaises, tant sur le marché intérieur que dans
leurs conquêtes extérieures.
Les entreprises nationales bénéficieront sur le
marché français de l'instauration du prélèvement douanier
de 10 p. cent sur les importations et, sur les marchés
extérieurs, de l'abandon de la politique du franc
fort qui transformera la monnaie nationale en arme
de combat économique. Ces avantages devront être mis
à profit par les entreprises françaises pour engager
une reconquête du marché intérieur susceptible de
consolider leurs assises en vue d'offensives commerciales
extérieures.
De plus, si la compétition internationale s'apparente
à une forme de guerre, il convient de se montrer conséquent
et de mettre notre pays en situation de se battre
efficacement. A cette fin, la France devra coordonner
ses forces et faire jouer la solidarité nationale
dans la conquête des marchés extérieurs à la manière
des pays les plus performants et les plus puissants
comme le Japon ou les États-Unis. Dans cet esprit,
des comités stratégiques devront être créés au niveau
gouvernemental dans chaque grand secteur économique.
|| ne s'agira pas d'instances bureaucratiques comme
il en existe sous l'égide du Commissariat au plan,
des ministères et des organisations professionnelles,
où sont menées des discussions théoriques et prospectives
ne débouchant sur aucune décision concrète. Au contraire,
placés sous la présidence d'un chef d'entreprise,
ces comités réuniront les principaux acteurs industriels
et administratifs d'un secteur concerné autour d'un
objectif concret consistant à favoriser la conquête
de marchés extérieurs et la reconquête du marché intérieur.
L'initiative appartiendra aux acteurs économiques,
les représentants de l'État n'étant là que pour répondre
aux demandes de concours des industriels. Ainsi, pour
aider ces derniers à faire progresser un domaine de
production, à pénétrer un nouveau marché étranger
ou à emporter un appel d'offres international particulièrement
important, la puissance publique pourra fournir la
dérogation, les crédits de recherche, le soutien diplomatique
ou le concours des services de renseignements qui
se révéleraient nécessaires. Ces comités stratégiques
pourront aussi assurer les arbitrages ou organiser
les ententes entre les entreprises françaises de façon
qu'à l'étranger notre industrie parle d'une seule
voix. Il s'agit donc de mobiliser les forces du pays
et de les coordonner en une stratégie cohérente pour
assurer le succès de nos entreprises.
La nouvelle participation
Celui-ci ne sera cependant pas définitivement acquis
tant que les dirigeants de société et leurs salariés
n'auront pas retrouvé une motivation inébranlable.
S'agissant des employés des entreprises, il est essentiel
qu'ils cessent d'être considérés comme de simples
facteurs de production pour devenir les membres d'une
authentique communauté de travail. Car qui, sinon
eux, constitue la substance humaine des sociétés et,
à ce titre, en assure quotidiennement et concrètement
le fonctionnement ? De leur bonne volonté et de leur
motivation dépend donc largement l'efficacité de la
production. Aussi est-ce l'intérêt de tous que les
travailleurs se sentent bien dans leur entreprise
et éprouvent en quelque sorte le sentiment qu'elle
leur appartient aussi. D'où la nécessité de créer
au sein des firmes françaises un nouvel état d'esprit
où prévale le sens de la communauté et de la solidarité.
Ouvrier, contremaître, cadre, dirigeant, chacun adhère
à une même entité engagée dans la bataille économique
et tous doivent donc se sentir liés par des intérêts
communs plus forts que les oppositions traditionnelles,
lesquelles sous la pression des syndicats marxistes,
déchiraient naguère les entreprises. Il est par ailleurs
important de créer des conditions de travail qui traduisent
cette nouvelle donne sociale afin que les salariés
trouvent un réel intérêt à leur tâche et se considèrent
comme partie prenante dans les résultats de leur société.
Il faut enfin que les travailleurs puissent eux aussi
être intéressés financièrement à la marche de leur
atelier, de leur établissement et de leur entreprise.
Ils doivent donc pouvoir acquérir de façon privilégiée
des actions de leur groupe et se sentir ainsi concernés
par la marche de leur entreprise afin d'obtenir par
ce biais un statut nouveau qui les assimile, pour
ainsi dire, à une nouvelle catégorie d'associés.
Motivation
Quant aux chefs d'entreprise, il est indispensable
qu'ils puissent à nouveau tirer de leur activité un
légitime profit. Dans cet esprit, la rentabilité du
métier d'entrepreneur, aujourd'hui en baisse, doit
être revalorisée pour devenir supérieure à celle du
rentier. Actuellement, en effet, cette juste hiérarchie
entre l'un et l'autre n'est plus respectée comme on
le constate en observant la différence de taux entre
la croissance de l'économie et le prix de l'argent.
Avec un taux d'intérêt à 5 p. cent, le rentier peut
voir doubler son capital tous les dix ans, alors qu'avec
un taux de croissance de 1,3 p. cent, 1'entrepreneur
doit attendre cinquante ans avant que la valeur de
sa société ait doublé. Sans doute s'agit-il là d'un
calcul schématique, mais qui n'en fait pas moins apparaître
l'importance de l'enjeu que représente la rentabilité
des entreprises, car, si celle-ci est trop faible,
pourquoi l'industriel prendrait-il des risques inutiles
quand il peut amasser plus d'argent en toute quiétude
grâce à la seule spéculation ? Le plan de libération
des sociétés françaises, en rétablissant leur rentabilité,
rendra donc aux dirigeants économiques la motivation
dont ils manquent aujourd'hui. Motivation que viendront
d'ailleurs encore renforcer la baisse puis la suppression
de l'impôt sur le revenu et la possibilité qu'ils
auront, à leur mort, de transmettre sans prélèvements
fiscaux leur œuvre et leur patrimoine à leurs enfants.
L'entreprise, ainsi libérée d'une réglementation
excessive, ayant désormais la possibilité de recruter
la main-d'œuvre qualifiée dont elle a besoin, enfin
en mesure de financer ses investissements par des
fonds propres ou des financements à bon marché, deviendra
une machine économique d'une redoutable efficacité.
Si, de surcroît, ses dirigeants et ses salariés retrouvent
toute leur motivation et si elle reçoit le soutien
intelligent de l'État pour favoriser ses projets,
elle représentera alors pour notre pays un puissant
moteur de la croissance, de l'emploi et de l'expansion
économique française.