La fraternité entre les Français et la protection
sociale pour nos compatriotes doivent aller de pair
avec une plus grande participation des travailleurs
et des professionnels à la vie économique et sociale.
Il ne s'agit pas seulement de consolider les structures
traditionnelles d'instaurer une authentique solidarité
à l'égard des plus démunis et de refonder la sécurité
sociale, encore faut-il que les Français puissent
intervenir dans le système économique pour y faire
valoir leurs intérêts et y être pris en considération.
Encore faut-il que les conflits sociaux puissent trouver
une issue équitable sans préjudice pour la collectivité.
Tel est l'objet de la nouvelle participation que nous
voulons instaurer dans la vie nationale.
Le marxisme décrépit
Pour construire ce nouvel édifice social, il convient
au préalable de prendre conscience de la caducité
du système actuel de représentation sociale hérité
en France du XIXe siècle. Pendant des décennies en
effet, sous l'influence de la gauche, les problèmes
sociaux ont été vécus dans notre pays au travers de
la grille d'analyse marxiste. Le moteur de l'histoire
fondé sur la lutte des classes, mettait aux prises
patrons et ouvriers, les premiers exploitant les seconds
pour augmenter leurs profits, les seconds combattant
les premiers pour assurer le progrès social. Dans
notre société contemporaine, ce schéma a été plaqué
sur la réalité et a fini par prendre une forme institutionnelle
organisée autour de trois protagonistes: d'un côté
le patronat, de l'autre les syndicats les uns et les
autres soumis aux arbitrages de l'État. Il s'agit
en quelque sorte d'une lutte des classes ritualisée,
institutionnalisée et régulée, telle qu'on peut l'observer
lors des grandes négociations sociales mettant en
scène dans les salons dorés de Matignon, les états-majors
syndicaux et patronaux sous la présidence du Premier
ministre et de ses collaborateurs. C'est aussi selon
ce schéma que sont composés le Conseil économique
et social et d'innombrables instances officielles
où siègent conjointement les représentants des syndicats,
des patrons et de l'État. Aujourd'hui, cependant,
ce modèle d'organisation des relations sociales se
trouve être totalement déconnecté des réalités. IL
constitue d'ailleurs une exception sur la scène internationale.
L'Allemagne par exemple, bien que Marx soit né à Trèves,
n'a jamais adhéré au modèle de la lutte des classes
et, de Bismarck à Kohl, a toujours fait prévaloir
le concept de communauté populaire pour fonder son
organisation sociale.
Le CNPF déconnecté
En France, chacun des partenaires du jeu social
institutionnel est désormais coupé des réalités nationales
et populaires et procède d'une caste de privilégiés
placée sous l'influence de l'Etat.
De moins en moins représentatif des chefs d'entreprise,
le patronat institutionnel est dominé par les très
grandes sociétés dont, pour beaucoup d'entre elles,
l'essentiel des activités ne se trouve plus en France
et qui se sentent dès lors peu concernées par l'intérêt
national. Les petites et moyennes entreprises, qui
constituent pourtant la chair du corps économique
français, y sont, à l'inverse, mal représentées, souvent
même méprisées et considérées comme quantité négligeable.
Il faut aussi rappeler que le CNPF subit de surcroît,
dans sa sphère dirigeante, l'influence écrasante de
l'État et de ses hauts technocrates, un grand nombre
de ses entreprises adhérentes étant encore nationalisées,
d'autres restant contrôlées par des banques d'État.
Enfin, les grandes sociétés réellement privées sont,
quant à elles, pour la plupart dirigées non par des
capitaines d'industrie, mais par des technocrates,
grands commis de l'État qui conservent d'innombrables
liens de connivence avec les cadres de la fonction
publique, les uns et les autres constituant ce qu'on
peut appeler la technostructure.
Pour ce qui est des idées et des valeurs véhiculées
par le patronat institutionnel, elles ne diffèrent
guère de celles de l'établissement politicien. Certes,
les patrons s'irritent du poids de l'étatisme, mais,
comme les représentants de la classe politique, ils
sont avant tout préoccupés de jouer sans réserve le
jeu du libre-échangisme mondial. Sans se préoccuper
de l'intérêt national, sans prendre en considération
la souffrance humaine des centaines de milliers de
Français qu'ils rejettent sur le bord de leur route,
ils s'engagent toujours davantage dans la voie du
mondialisme. A l'exception de quelques personnalités
comme Jacques Calvet, président de Peugeot-Citroën
(PSA), pratiquement aucune voix ne s'élève dans leurs
rangs pour s'opposer à cette politique absurde et
en dénoncer les dangers. Déjà, dans les années soixante,
beaucoup de patrons avaient adopté le processus mondialiste
et amorcé les pompes de l'immigration en allant chercher
à l'étranger des travailleurs dociles et peu payés.
Or, chacun aujourd'hui le sait, non seulement cette
pratique s'est retournée contre la société française
en créant le problème dramatique de l'immigration,
mais elle a pénalisé les entreprises qui, cédant à
la tentation d'une main-d'œuvre abondante et bon marché,
ont renoncé à moderniser leur outil et leurs méthodes
de production, lesquels se sont donc retrouvés, dix
ou vingt ans plus tard, nettement moins performants
que ceux de leurs concurrents. Gageons que cette obsession
libre-échangiste, qui habite les patrons et dont les
Français subissent déjà les effets désastreux, se
retournera demain également contre les grandes entreprises
et leurs dirigeants. C'est donc à un double titre
que le CNPF et ses démembrements ont perdu une grande
part de leur légitimité: d'un côté, ils ne représentent
pas l'immense armée des petites et moyennes entreprises
et, de l'autre, se trouvant en totale osmose avec
l'Etat, ils jouent le jeu antinational de la mondialisation
à-tout-va.
Les syndicats zombies
Les syndicats institutionnels, qui ont vu leur influence
diminuer considérablement, ne sont pas, de leur côté,
plus représentatifs. Leurs effectifs ont en effet
fondu au point que la France est aujourd'hui, parmi
les nations occidentales, l'une des moins syndiquées.
Les bastions qui leur restent se trouvent pour la
plupart au sein des entreprises nationales et des
administrations où ils ne se maintiennent que grâce
aux avantages institutionnels et financiers que l'État
leur concède. Quant à l'audience des syndicats auprès
des salariés, elle s'est largement détériorée puisqu'ils
apparaissent chaque jour davantage comme des appareils
qui ne cherchent plus à défendre les intérêts de leurs
mandants mais veulent conserver à tout prix leurs
privilèges. Ainsi, lors des mouvements sociaux de
décembre 1995, les syndicats semblaient beaucoup moins
concernés par l'avenir de la protection sociale des
salariés que par celui de leur pouvoir sur les caisses
de la sécurité sociale.
De plus, ayant approuvé peu ou prou le GATT et le
traité de Maastricht, ils se sont eux aussi laissé
prendre par la logique mondialiste. Certes, ils émettent
parfois des réserves sur l'intégration européenne
et sur le libéralisme international, mais on n'a vu
personne, dans leurs rangs, s'opposer clairement au
libre-échangisme mondial, réclamer le retour des immigrés
dans leur pays d'origine, exiger des protections aux
frontières, demander la renégociation des traités
européens et dénoncer les accords de Schengen et du
GATT. D'ailleurs, leurs revendications elles-mêmes,
qui souvent ne sont plus en phase avec les préoccupations
des salariés, mettent en évidence leur ralliement
au dogme mondialiste. Les voit-on en effet entreprendre
la moindre action sérieuse lorsque leurs mandants
sont frappés par les effets du mondialisme ? Mènent-ils
une lutte quelconque en faveur de la sécurité des
agents des services publics, qu'il s'agisse des conducteurs
de bus, des policiers, des postiers ou des enseignants
? Se battent-ils pour que les Français soient prioritaires
en matière d'emploi ou pour refuser les délocalisations
? Le cas de la CGT est typique. Ses adhérents, qui
subissent de plein fouet le choc de la mondialisation,
seront les premières victimes de la monnaie unique,
mais, prisonniers de leur alliance électorale avec
l'établissement, la CGT et le PC ne combattent pas
efficacement l'Union monétaire et se contentent de
réclamer un référendum dont ils savent qu'il n'aura
pas lieu. Les syndicats institutionnels sont coupés
du peuple français.
Comment ne le seraient-ils pas ? Eux aussi sont
placés sous la dépendance de l'État et des collectivités
territoriales et vivent de leurs largesses. C'est
la puissance publique qui leur verse des subventions
considérables pour leur permettre de compenser la
perte de leurs adhérents et la chute des cotisations.
C'est le pouvoir qui maintient leur monopole aux élections
professionnelles et leur procure de nombreux postes
dans toutes les instances officielles. C'est encore
le gouvernement qui, bien qu'ils soient régulièrement
débordés par la "base" lors des conflits sociaux,
continue de les considérer comme les seuls interlocuteurs
valables. Sans le soutien de l'État, les syndicats
dits représentatifs ne seraient plus que des zombies
et c'est pourquoi l'on peut dire qu'ils procèdent
eux aussi de l'établissement.
Le schéma obsolète
Et l'État, est-il encore en mesure de jouer son
rôle d'arbitre ? Certainement pas, car il est juge
et partie. C'est lui, en effet, le moteur français
de la mondialisation de notre société, principale
cause de la régression sociale, c'est lui aussi le
premier acteur du système économique qui, par son
omnipotence et son poids, régente dans le détail le
monde de la production et des échanges. Avec près
de six millions de salariés placés sous son contrôle,
il est de loin le premier employeur de France et,
grâce à la législation et à la réglementation, il
fait la pluie et le beau temps dans les entreprises.
Que reste-t-il alors du schéma d'école hérité du
marxisme: syndicat contre patronat sous l'arbitrage
de l'État ? Plus grand-chose en réalité, puisque la
puissance publique est omniprésente à la fois derrière
les syndicats et derrière le patronat et qu'elle définit
les règles du jeu. N'est-ce pas l'Etat qui, dans les
coulisses du théâtre de marionnettes qu'est désormais
la vie sociale institutionnelle, tire les ficelles
du spectacle ? La sécurité sociale, par exemple, est
en principe gérée de façon paritaire par les partenaires
sociaux, mais qui peut encore prétendre que ce n'est
pas le gouvernement qui mène la danse ? Sans compter
que l'État partage son projet mondialiste avec ses
prétendus partenaires et que, dans la pratique, les
uns comme les autres adhèrent aux grands principes
de la politique définie par le pouvoir. Le système
de représentation sociale issu du socialisme, qui
organisait l'affrontement entre les patrons et les
syndicalistes sous la houlette d'un État arbitre,
se révèle donc totalement obsolète puisque les trois
protagonistes sont liés par des intérêts communs,
qu'ils sont tous trois coupés du peuple et de leurs
mandants et qu'ils adhèrent au même projet. Est-ce
à dire que tout clivage aurait pour autant disparu
? Certainement pas, car de nouveaux antagonismes viennent
se substituer aujourd'hui aux anciens.
Quand le social rejoint le national
Car, si la bourgeoisie capitaliste et le patron
mythique, honnis et vilipendés par les marxistes,
n'existent plus en tant que réalités sociales, une
nouvelle "classe d'exploiteurs" pourrait être désignée.
Celle des nomenklaturistes de l'établissement, bureaucrates
ou hauts fonctionnaires, grands patrons ou apparatchiks
syndicaux, tous procédant du même système et, pour
avoir légitimé le mondialisme, portant tous ensemble
la responsabilité du cataclysme social qui frappe
notre pays.
La grève générale du mois de décembre 1995 est emblématique
du fossé qui se creuse entre les Français et l'établissement.
Officiellement, ce mouvement, qui portait sur des
questions classiques-statut de la SNCF et réforme
de la sécurité sociale-, était organisé, régulé et
négocié par les partenaires institutionnels, mais,
dans la pratique, les syndicats, malgré leurs efforts
pour sauver la face, ne contrôlaient rien et se contentaient
de suivre les événements. La grève exprimait en réalité
la profonde inquiétude des travailleurs français du
public comme du privé confrontés aux effets délétères
de Maastricht, de la mondialisation et de la dérégulation.
Est-ce un hasard si la carte des plus grosses manifestations
de rue coïncidait avec celle des meilleurs scores
électoraux du non à Maastricht ? Pour la première
fois, débordant les structures institutionnelles,
un mouvement social d'envergure s'est organisé contre
le mondialisme, prouvant, s'il en était besoin, qu'aujourd'hui,
le combat social rejoint le combat pour la nation.
Sur ce point, la scène sociale ressemble à la scène
politique : l'antagonisme entre les travailleurs et
l'établissement correspond à celui qui oppose le peuple
à la classe politicienne et, dans les deux cas, le
clivage est celui qui sépare partisans et adversaires
du mondialisme. Même le PC et la CGT sont condamnés
à la position inconfortable du grand écart entre leurs
électeurs, qui, de plus en plus nombreux, soutiennent
les positions du Mouvement national républicain, et
l'établissement auquel leurs états-majors appartiennent
de facto.
Il faut donc à tout prix établir un système de représentation
des travailleurs français qui soit à nouveau légitime
et enraciné dans les réalités, qui permette de dénouer
les conflits, de faire participer les professionnels
à la vie économique et sociale et qui procède de la
fraternité nationale. A cette fin, il convient de
renouveler le syndicalisme et ses méthodes d'action,
de reconsidérer l'organisation interne de l'entreprise
et de construire un nouvel édifice de représentation
sociale.
Libérer le syndicalisme
Aujourd'hui totalement sclérosé, le syndicalisme
doit être rénové de fond en comble si l'on veut lui
rendre sa légitimité et lui permettre de jouer un
rôle bénéfique au service des Français. Dans cet esprit,
sera supprimé le principe de la représentativité qui
confère aux cinq grandes centrales institutionnelles
un monopole indu empêchant la création de nouveaux
syndicats et limitant toute autre participation aux
scrutins dans les entreprises. Conformément à la constitution,
on doit donc pouvoir créer librement un syndicat et
toute organisation syndicale doit pouvoir présenter
des candidats au premier tour des élections professionnelles.
Il importe en outre que les aides financières octroyées
par la puissance publique aux syndicats soient équitablement
réparties en fonction de leur représentativité effective.
Le respect de ces principes devrait permettre au tissu
syndical de se renouveler naturellement: les vieilles
structures seront amenées à s'étioler et de nouveaux
organismes émergeront. Par ce biais, le monde syndical
pourra reprendre vie, se réenraciner dans les vraies
préoccupations des salariés français et retrouver
une réelle légitimité.
Encore faut-il faire jouer le mécanisme des élections
à tous les niveaux et ne pas prendre comme interlocuteurs
des instances auto-proclamées, mais des représentants
élus. Dans les entreprises comme à l'échelon national,
seuls des délégués dûment investis par un mandat obtenu
à la faveur d'un vote doivent être pris en considération
par les patrons ou les pouvoirs publics, car seuls
de tels partenaires détiennent la légitimité requise
pour représenter les salariés. Cette exigence de liberté
et de réelle représentativité permettra d'en finir
avec les instances archaïques et néfastes d'aujourd'hui,
de régénérer le tissu syndical et de renouveler le
dialogue social.
Il importe par ailleurs que les conflits sociaux
inévitables puissent prendre une nouvelle forme et
faire l'objet d'un minimum de régulation afin de servir
réellement la cause de ceux qui les engagent et de
limiter le plus possible le préjudice que pourraient
en subir les tiers. Il faut notamment que les syndicats
renoncent au cliché marxiste du patron ennemi et de
l'entreprise corne d'abondance et lieu de lutte et
que, symétriquement, les dirigeants d'entreprise cessent
de considérer systématiquement le syndicaliste comme
un adversaire adepte de la lutte subversive ou du
sabotage délibéré. A cette fin, il faudra promouvoir
un nouvel état d'esprit et des formules rénovées de
concertation et de dialogue dans les entreprises de
telle façon que les notions de communauté de travail,
de solidarité d'entreprise et d'intérêts communs puissent
y prendre corps.
Réguler les conflits
La grève doit, bien sûr, demeurer un droit inaliénable
des salariés et l'un des outils de la revendication
sociale. Encore faut-il qu'elle soit régulée pour
ne pas se retourner contre les travailleurs qui l'organisent,
ni causer de graves dommages aux employés d'autres
entreprises qui en subissent les conséquences. Combien
de sociétés en difficulté n'ont-elles pas été définitivement
réduites au dépôt de bilan par des grèves intempestives
menées par des agitateurs irresponsables ? Et combien
de salariés n'ont-ils pas subi, sans aucun profit
par ailleurs, tous les contrecoups néfastes de mouvements
sociaux qui, décidés à l'extérieur de leur entreprise,
l'ont durablement et totalement paralysée ? Il convient
donc que la décision de déclencher une grève puisse
être prise démocratiquement par un vote à bulletins
secrets contrôlé par des autorités extérieures à l'entreprise,
juges ou inspecteurs du travail, afin que les salariés
puissent se prononcer en toute liberté, sans subir
la moindre pression, d'où qu'elle vienne. Il importe
également que les grèves ne puissent donner lieu à
la prise en otage de tierces personnes comme, par
exemple, en cas de paralysie des services publics
ou lorsque les transporteurs routiers mettent en place
des barrages sur les routes. Dans les entreprises
publiques, un service minimum doit être assuré quoi
qu'il arrive. Quant aux actions interdites par la
loi, blocage, sabotage ou chantage, elles doivent
être empêchées, au besoin par la contrainte.
D'autres méthodes d'action doivent d'ailleurs être
imaginées pour dénouer les conflits qui n'auraient
pu être résolus par la concertation. S'il n'est peut-être
pas envisageable de recourir à des grèves symboliques
comme dans les pays asiatiques où les ouvriers continuent
à travailler mais en portant un brassard en signe
de désaccord, on peut cependant concevoir d'autres
modes d'action. L'objectif n'est pas d'empêcher les
conflits ni les affrontements, mais de les replacer
dans une perspective constructive de participation
commune à un projet. A cet égard, il importe que les
syndicats et les représentants qu'ils font élire défendent
les intérêts de leurs mandants en jouant le jeu des
défis qui sont lancés à leur société. Ainsi, dans
les services publics, est-il légitime de s'opposer
à la privatisation et à la dérégulation mais à condition
d'accepter par ailleurs le principe de l'assainissement
financier des entreprises nationales et de l'amélioration
de leur rentabilité. Les représentants des salariés
ne peuvent donc plus se désintéresser des performances
de l'entreprise ni de la qualité de service qu'elle
offre à ses clients.
L'avènement de cet état d'esprit et l'instauration
de ces nouvelles règles doivent certes découler de
la participation qu'il conviendra de mettre en place
au service des salariés, mais aussi des quelques sanctions
qu'il faudra utiliser pour imposer la régulation des
conflits. Ainsi des pénalités doivent être prévues
contre les syndicats ou les patrons qui ne respecteraient
pas les règles de régulation des conflits, notamment
en ce qui concerne l'exercice du droit de grève.
Non au capitalisme sauvage
Alors même que l'on assiste à un retour très inquiétant
du capitalisme sauvage, l'entreprise et ses dirigeants
doivent eux aussi modifier leur approche des problèmes
sociaux et des relations avec leurs employés. De nombreux
patrons, obnubilés par les impératifs de l'ultra-libéralisme
international, ont en effet adopté l'attitude brutale,
cynique et inhumaine des capitalistes du XIXe siècle
tels que Zola les a décrits. N'ayant d'autre référence
que le taux de profit, beaucoup d'entre eux, jouant
à une sorte de Monopoly industriel, se livrent à des
restructurations massives et incessantes souvent contraires
à l'intérêt national et dont les salariés font toujours
les frais.
Les licenciements sont devenus pour beaucoup de
dirigeants un instrument de gestion quasi quotidien
auquel on recourt même lorsque les bénéfices sont
substantiels. Les cadres sont pressurés, soumis à
des horaires de stakhanovistes et révoqués à la moindre
faiblesse, sans égard ni mansuétude. De leur côté,
les ouvriers et les employés sont impitoyablement
licenciés dès qu'ils ne sont pas au maximum de leur
capacité de production. Dans un passé récent, l'entreprise
acceptait de maintenir sur ses rôles des salariés
peu performants en raison de leur ancienneté et des
services rendus ou par souci de ne pas jeter à la
rue un employé aux capacités limitées. En agissant
ainsi, elle fonctionnait comme une authentique communauté
qui protège et défend les siens, tout particulièrement
les plus faibles d'entre eux. Aujourd'hui, telle une
machine impitoyable, elle abandonne trop souvent sur
les bas-côtés de sa route tous ceux qu'elle considère
comme inadaptés ou inutiles. Désormais, dans les entreprises,
on achève les blessés !
Une telle attitude doit être combattue avec la plus
extrême vigueur, car elle se situe aux antipodes de
l'ordre social que le Mouvement national républicain
entend instaurer dans notre pays. Et, pour s'y opposer,
la méthode la plus efficace consiste d'abord à changer
le contexte dans lequel se développe cet état d'esprit
malsain. Ce sont en effet le mondialisme et la guerre
économique sauvage qu'il provoque qui contraignent
les patrons à jouer le jeu de l'ultra-libéralisme
international et à ne plus se préoccuper que de rentabilité
à n'importe quel prix. Si donc on rétablit la protection
aux frontières et si l'on diminue le taux des ponctions
étatiques, l'intensité de la concurrence s'en trouvera
réduite et la rentabilité des entreprises facilitée
au point qu'elle cessera d'être une obsession pour
les patrons. Ceux-ci pourront alors porter un intérêt
nouveau à leurs salariés et développer des liens de
solidarité plus étroits au sein de leur firme.
La communauté de travail
Dans ce nouveau contexte, il deviendra possible
de concevoir l'entreprise comme une communauté de
travail. Certes, il n'est pas question de tomber dans
l'angélisme et de croire qu'elle pourra demain être
animée d'un esprit de concorde et de philanthropie,
car les milieux professionnels connaîtront toujours
des conflits, des tensions et des antagonismes comme
il en existe dans toutes les organisations humaines.
Il importe seulement de rendre tangible l'existence
d'une véritable communauté de travail soudée par un
sentiment d'appartenance et par la conscience de partager
des intérêts communs. Pour y parvenir, les entreprises
doivent reconstruire et affirmer leur identité, c'est-à-dire
se forger une culture et une personnalité propre,
afin de donner naissance à un patriotisme d'entreprise
de telle sorte que leurs membres, quel que soit leur
niveau dans la hiérarchie, tirent de leur appartenance
un sentiment de fierté.
De même, chaque firme devra cultiver en son sein
un esprit de solidarité de façon que tous se sentent
embarqués dans le même navire, soumis aux mêmes attaques
et placés devant les mêmes risques face à la menace
que représente pour les entreprises la guerre économique
mondiale. Aussi est-il indispensable que les dirigeants,
lorsqu'ils se battent pour préserver leur société,
considèrent les membres du personnel comme une composante
essentielle de ce combat et s'efforcent en conséquence
de sauvegarder également leurs intérêts. Dans cet
esprit, la pérennité des situations, la possibilité
de faire carrière au sein de la firme et d'être protégé
par elle constituent des impératif.s sociaux que les
patrons doivent prendre en compte. La fidélité des
cadres et des employés à leur entreprise va de pair
avec la protection que leur doivent les dirigeants.
A cet égard, le modèle japonais, qui introduit dans
le monde du travail des relations communautaires et
traditionnelles, est infiniment préférable au système
américain dans lequel le salarié n'existe qu'au travers
de son labeur et de son salaire. Et s'il n'est pas
question de vouloir imiter l'exemple nippon trop éloigné
de nos propres traditions, c'est néanmoins en s'en
rapprochant et en tournant le dos au schéma américain
qu'il faut recréer un modèle original de l'entreprise
française conçue comme une communauté d'intérêts.
Les salariés associés
Dans cet esprit, la participation des salariés doit
trouver son expression dans la vie courante de l'entreprise
mais aussi dans la place qu'il leur faut occuper au
sein de la structure de pouvoir de la société.
Au quotidien, il convient de mettre en œuvre des
méthodes de participation concrètes et actives, comme
il en existe déjà dans certaines entreprises, de façon
à permettre aux salariés d'être associés à la marche
de leur atelier, de leur bureau ou de leur établissement.
Il ne s'agit pas de parasiter la hiérarchie, mais
de concevoir la chaîne de décision et l'agencement
de l'usine de telle sorte que les structures conduisent
naturellement les employés à s'intéresser au travail
qui leur est confié et à participer à son organisation.
Pourquoi ne pas procéder, par exemple, grâce à des
méthodes de comptabilité analytique, à l'évaluation
de la plus-value qu'ils réalisent dans leur unité
de production et utiliser celle-ci dans le calcul
de leur rémunération afin qu'ils soient ainsi financièrement
intéressés aux résultats de leur travail ?
A l'échelle de l'établissement, il faudra concevoir
le comité d'entreprise comme une réelle instance de
concertation et de participation, non seulement pour
ce qui touche directement les employés, mais aussi
pour ce qui détermine de façon plus globale la vie
de la société.
Ce comité devra aussi contribuer à renforcer la
solidarité entre les membres de la firme face aux
défis et aux menaces venues de l'extérieur et à développer
le patriotisme d'entreprise. Certes, nombre d'établissements
ont déjà adopté beaucoup de ces dispositions, mais
il importera de les étendre le plus possible et de
multiplier les incitations en ce sens pour faire des
sociétés de véritables communautés de travail.
Les employés actionnaires
Cet objectif sera d'autant mieux atteint que se
développera l'actionnariat populaire grâce auquel
les salariés deviendront propriétaires d'une partie
de leur entreprise. La création de mécanismes de participation
permettra d'effectuer chaque année une distribution
systématique d'actions à tous les employés en fonction
des résultats obtenus par l'entreprise. Par ce biais,
les salariés se sentiront plus solidaires de la direction
de leur société et placés institutionnellement en
situation d'associés, plus concernés par les contraintes
auxquelles elle est soumise. Mais, surtout, leur statut
s'en trouvera implicitement revalorisé puisqu'ils
deviendront eux aussi propriétaires de leur firme
et qu'à ce titre ils se situeront juridiquement sur
le même plan que les autres actionnaires. Ils pourront
participer aux assemblées générales et, en se coalisant,
y exercer une influence non négligeable. Quant aux
plus anciens d'entre eux, ils auront l'occasion, au
fil des années, de se constituer un patrimoine important.
Cette pratique, qui existe déjà dans certaines sociétés
mais qui devra être généralisée, permettra, avec le
temps, de diffuser un nombre significatif d'actions
au sein du peuple français, ce qui contribuera à éviter
la concentration du capital entre les mains de quelques
grands magnats souvent étrangers. Elle présentera
en outre l'avantage de développer le patrimoine des
Français, amplifiant ainsi la politique de propriété
populaire voulue par le Mouvement national républicain.
Les actions distribuées aux salariés resteront en
effet leur propriété pleine et entière même s'ils
quittent la société : ils pourront les vendre, les
échanger ou les conserver. Cette initiative favorisera
le développement d'un capitalisme populaire de grande
envergure qui, en faisant participer tous les travailleurs
français à la propriété économique, créera un nouvel
état d'esprit propre à faciliter la transformation
des entreprises en communautés de travail. Ce sera
l'avènement de la nouvelle participation.
Le Sénat économique et social
Pour être complète, celle-ci devra aussi se traduire
dans les institutions représentatives de notre pays
afin de transposer à l'échelon national cet esprit
communautaire et cette méthode de participation. Pour
ce faire, il est nécessaire de créer des corps intermédiaires
et de les renforcer ou de les ranimer s'ils existent.
Déjà, les chambres de commerce et d'industrie, les
chambres de métier ou les chambres d'agriculture jouent
un rôle intéressant qui mériterait d'être amplifié.
Encore faut-il que ces chambres redeviennent vraiment
représentatives, ce qui nécessite le renouveau des
organisations syndicales et patronales et la réforme
du mode de scrutin par lequel elles sont élues. Selon
ce modèle, il pourrait d'ailleurs être créé systématiquement,
au plan national et pour chaque grande branche industrielle
ou commerciale, une chambre professionnelle constituée
de représentants élus de salariés et de dirigeants
d'entreprise. Chaque instance de ce type devrait ainsi
assumer un rôle d'orientation dans son secteur et
servir de cadre légitime lors des négociations par
branche.
Enfin, pour couronner l'édifice de la nouvelle participation
et la hisser au plus haut niveau de l'État, le Sénat
pourrait à terme être rénové et devenir la chambre
des professions chargée des intérêts économiques et
sociaux des Français. Déjà représentés en tant que
citoyens au Palais-Bourbon~ nos compatriotes pourraient
donc l'être aussi au travers de leurs métiers ou de
leur condition sociale par l'intermédiaire de la haute
assemblée. Concrètement. tous les Français, qu'ils
soient salariés, patrons, artisans? membres de professions
libérales, fonctionnaires, agriculteurs, mères de
famille ou retraités, etc, seraient amenés à s'inscrire
dans l'un des grands collèges socio-professionnels.
Et chacun, au sein de son collège, élirait des représentants
nationaux au scrutin proportionnel et au suffrage
universel. Le Sénat, qui conserverait l'intégralité
de ses pouvoirs constitutionnels, se verrait dès lors
doté d'un poids et d'un prestige renforcés puisqu'ainsi
constitué, il représenterait le peuple dans ses forces
vives et disposerait de la sorte d'une autorité nouvelle
pour mieux adapter la législation aux exigences de
l'efficacité économique et de l'harmonie sociale.
La représentation des différentes conditions ou professions
se trouverait donc assurée au plus haut niveau de
l'État, comme elle pourrait l'être dans chaque région
en faisant élire de la même façon les comités économiques
et sociaux.
La nouvelle participation prendrait ainsi une forme
tangible à tous les échelons du pays et serait en
mesure d'œuvrer à l'harmonie sociale. En rejetant
les schémas archaïques du marxisme, en renouvelant
les organisations syndicales et patronales, en régulant
les conflits, en transformant les entreprises en communautés
de travail et les salariés en actionnaires et en créant
des chambres représentatives du peuple au travail,
la nouvelle participation diffusera ses effets bénéfiques
tant au sein des entreprises que dans la nation toute
entière. L'ordre social sera rétabli et, avec le redressement
économique, il permettra de sortir de la crise et
de retrouver l'espoir.