Avant d'apparaître comme une réalité mécanique et
quantifiée, l'économie est d'abord constituée d'hommes
et de femmes qui travaillent. Entité spirituelle autant
que matérielle, elle ne peut donc être régie exclusivement
par des équations, des lois financières ou des modèles
économétriques. Représentant l'une des facettes de
l'activité de la communauté, elle fait partie intégrante
de la nation et se trouve ainsi déterminée par les
qualités et les valeurs propres aux hommes qui la
composent. A ce titre, le système d'échange et de
production reflète aussi le génie d'un peuple et le
système de valeurs dont il est porteur.
C'est dire si l'économie est également conditionnée
par l'état éthique, psychologique et physique de la
population. Si celle-ci est jeune, nombreuse, entreprenante
et si les valeurs qu'elle porte sont celles, exigeantes,
du dépassement, du travail, de la compétition, de
la rigueur et de l'honnêteté, l'économie tendra naturellement
à la croissance et à l'expansion. Si, à l'inverse,
la population stagne en nombre et vieillit, si elle
se recroqueville sur des anti-valeurs, comme le laxisme,
l'hédonisme, l'individualisme, l'égalitarisme ou le
parasitisme, alors, mécaniquement, le système économique
connaîtra la régression. Ce n'est donc pas un hasard
si la crise économique que subit notre pays depuis
plus de vingt ans va de pair avec une crise démographique
majeure et un incontestable déclin des valeurs.
Le travail déconsidéré
Malgré la mécanisation et l'automatisation des tâches,
l'économie reste fondée sur le travail des hommes.
Aussi est-il pénalisant pour les performances de l'industrie
et des services que le travail ne soit plus honoré
comme une valeur en soi. Cette situation résulte des
actions menées par les gouvernements socialistes et
sociaux-démocrates qui, en diffusant dans la société
les notions d'égalitarisme et d'assistanat, traitent
à l'identique celui qui est productif et celui qui
ne 1'est pas, celui qui apporte et celui qui profite.
Dès lors, le travail s'en trouve dévalorisé et les
plus actifs dissuadés de s'y consacrer pleinement,
comme on le constate un peu partout dans la société
française. Chez les salariés des administrations et
des grandes bureaucraties privées, la rémunération
dépend plus de l'ancienneté que des résultats obtenus
dans le travail. Parmi les chefs d'entreprise, les
professions libérales, les artisans ou les commerçants,
les revenus sont systématiquement amputés par des
prélèvements publics de plus en plus lourds. Ce refus
de récompenser le mérite, l'effort, le talent et,
plus globalement, le travail bien fait porte atteinte
aux performances de notre pays au plan de la productivité
comme à celui de la capacité à inventer et à entreprendre.
Cet état d'esprit fâcheux conduit de surcroît à
l'abandon de notions aussi indispensables à l'efficacité
économique que la conscience professionnelle et le
goût du travail bien fait. Or, lorsque de telles valeurs
font défaut, c'est l'économie toute entière qui peut
en être gravement affectée. Ainsi, les performances
à l'exportation s'obtiennent non seulement grâce à
des prix compétitifs, mais aussi par le respect des
délais de livraison et la fiabilité des produits,
autant de critères que nos entreprises négligent trop
souvent aujourd'hui. Comment expliquer ces carences
sinon par un relâchement de la conscience professionnelle
et de la rigueur dans le travail ? Sans doute un tel
abandon se trouve-t-il aussi à l'origine des dysfonctionnements
parfois tragiques qui affectent les services publics
: perte ou retard dans l'acheminement du courrier,
perturbation des horaires ou accidents sur les lignes
ferroviaires. En revanche, les pays les plus performants
parmi les États nouvellement industrialisés, comme
les dragons du Sud-Est asiatique, Singapour ou Taiwan,
sont précisément ceux qui honorent le plus le travail.
La corruption et la crise
De même, une économie prospère et dynamique exige
l'ordre et l'honnêteté. Des relations de confiance
entre salariés et employeurs, entre producteurs et
clients, entre pouvoirs publics et entreprises sont
essentielles au bon fonctionnement du système de production
et d'échange Or, aujourd'hui, en France, la délinquance
qui gangrène la vie économique et pèse d'un lourd
fardeau sur les finances de la nation a rompu cette
nécessaire harmonie.
Qui n'a entendu parler de ces entreprises sauvages
du secteur du bâtiment qui, montées par des immigrés
en marge des lois, ne payant ni impôts ni charges
sociales, assurent à des prix imbattables des travaux
de sous-traitance pour de plus grandes sociétés ayant
pignon sur rue ? Les petites entreprises françaises
qui règlent leur dû à l'administration et respectent
les lois sont alors victimes d'une concurrence déloyale
à laquelle elles ne peuvent faire face et qui les
accule à la ruine. Ces pratiques malhonnêtes ont un
effet dévastateur sur le tissu des petites et moyennes
entreprises adeptes du travail bien fait. Les unes
disparaissent pendant que les autres voient leurs
charges s'alourdir à mesure que le travail au noir
monte en flèche.
Quant au vol, il constitue non seulement une calamité
pour les personnes privées, mais aussi un handicap
de plus en plus lourd pour le système économique.
Certaines entreprises moyennes se trouvent ainsi réduites
au dépôt de bilan à la suite de cambriolages massifs
perpétrés dans leurs ateliers. Quant au vol dans les
commerces et les grandes surfaces, il pèse maintenant
si lourdement sur le chiffre d'affaires qu'il devient
nécessaire d'en répercuter le montant sur les prix
de vente.
Et que dire de la corruption qui se généralise ?
Lorsqu'un élu prévaricateur exige une commission sur
un marché public, non seulement il fausse le jeu de
la concurrence en accordant sa préférence à l'entreprise
qui accepte le racket, mais il provoque de surcroît
une augmentation du montant du marché, dont au bout
du compte le contribuable fera les frais. La corruption
conduit également les élus à multiplier à l'excès
les investissements publics pour majorer d'autant
les montants sur lesquels ils peuvent prélever leur
dîme. La malhonnêteté de nombreux édiles est donc
directement à l'origine d'un alourdissement de la
fiscalité locale et donc d'un handicap accru pour
la croissance économique et la compétitivité des entreprises.
Quant à celle des dirigeants de grandes sociétés,
elle exerce un effet démobilisateur sur leur personnel
lorsqu'elle ne déstabilise pas de fond en comble leur
entreprise, comme on a pu le constater à l'occasion
de la mise en examen et de l'incarcération de M. Le
Floch-Prigent alors président de la SNCF au moment
même où il engageait la restructuration de la société
nationale.
L'économie anti-patriote
La perte des valeurs patriotiques représente également
un frein au développement économique de notre nation.
Dans la bataille sans merci qui fait rage sur les
marchés extérieurs, certains peuples, tout en jouant
le jeu de la concurrence à outrance, acceptent d'introduire
dans leur comportement la notion de préférence nationale.
Ce n'est pas le cas des Français. Ainsi n'est-il pas
rare de voir deux entreprises nationales se concurrencer
au point de se neutraliser pour obtenir un marché
à l'étranger, alors que les Japonais ou les Allemands
ne mettent en avant qu'une seule offre, offre que
leurs autorités politiques peuvent alors appuyer sans
réserve. De même, les sociétés françaises ne jouent
pas toujours le jeu de la solidarité nationale. Lorsque
l'une d'elles est mal placée pour obtenir un contrat,
il est rare qu'elle invite son concurrent national
à soumissionner à sa place. Et, dans le cas où elle
est choisie pour effectuer le travail, donne-t-elle
toujours la priorité aux firmes françaises pour les
travaux de sous-traitance ? Le président ivoirien
Houphouët-Boigny faisait observer, en son temps, qu'à
l'étranger les Anglo-Saxons, quelle que soit leur
appartenance politique, se font les apôtres de leur
pays, alors que les Français excellent à décrier le
leur.
Plus grave encore, nos gouvernants, animés par l'idéologie
mondialiste, privilégient les principes du libre-échangisme
ou de l'européisme au détriment de la défense de l'intérêt
national. Dans les enceintes européennes, on les a
vus ont trop souvent chercher à s'imposer comme le
meilleur élève de la classe européenne, n'hésitant
pas, pour ce faire, à multiplier les concessions,
quitte à compromettre les positions françaises face
à des partenaires britanniques ou allemands qui, inversement,
s'efforcent de tirer des négociations le maximum d'avantages
pour leurs compatriotes. Alors que Paris cède au moindre
froncement de sourcil du commissaire bruxellois à
la concurrence, les Allemands lui résistent avec efficacité.
Pour faire accorder à Daimler-Benz une subvention
de plusieurs centaines de millions de marks par le
Land de Saxe en dérogation à toute les normes européennes,
il aura suffi d'une pression du ministre allemand
sur la Commission pour que celle-ci renonce à s'y
opposer. Quant à l'échelon communautaire, il est encore
plus indifférent à la défense de l'économie nationale
et européenne, comme on a pu le constater lors des
négociations du GATT où les intérêts français, notamment
agricoles, ont été bradés aux Américains.
L'esprit d'avachissement
L'effondrement des valeurs nécessaires à l'économie
se manifeste aussi par le relâchement de l'esprit
d'entreprise, du sens de l'aventure et de la volonté
de dépassement. Notre nation ne semble plus animée
par ce souffle vital, cet influx d'énergie qui, au
fil des siècles écoulés, l'ont amenée à inventer,
à explorer le monde, à accumuler des connaissances
et à construire une grande civilisation. Or, sans
ce ressort, rien de grand n'est possible, car, en
économie comme en d'autres domaines, il faut, pour
réussir, être porté par l'esprit de conquête et le
goût du défi.
L'un des symptômes de cet avachissement réside dans
l'écart qui se creuse entre les taux de rendement
du capitalisme productif et ceux du capitalisme spéculatif.
Le premier investit dans des outils de production
et s'exprime par une création matérielle de biens
ou de services tangibles. Le second est purement stérile
puisqu'il se manifeste par la vente et la revente
d'unités de valeurs souvent même immatérielles. Or,
aujourd'hui, le second est souvent plus rémunérateur
que le premier. Quel chef d'entreprise, petite ou
moyenne, n'a pas été tenté, face aux difficultés de
sa tâche, de céder sa société et de placer le fruit
de sa vente sur le marché financier, avec la perspective
de pouvoir ainsi gagner plus en travaillant moins
? N'est-il pas inquiétant que les investissements
les plus fructueux de ces dernières années aient pris
la forme de Sicav monétaires plutôt que d'actions
de sociétés industrielles ? N'est-il pas significatif
que la filiale financière de Thomson ait été, avant
d'être cédée au Crédit Lyonnais, la seule source de
profit du groupe nationalisé ? Est-il sain que les
grandes surfaces de distribution ne tirent pas leur
profit des bénéfices de leurs ventes mais des placements
financiers que leur permet leur situation de trésorerie
? De telles distorsions se révèlent dangereuses pour
le dynamisme de l'économie, car, s'il est plus avantageux
de spéculer que de produire, cela signifie que l'esprit
d'entreprise et de création est aujourd'hui moins
rémunéré et donc moins honoré que des comportements
parasites ou marginaux.
Le baby-krach
L'effondrement démographique de notre pays constitue
un autre fléau particulièrement grave quant à ses
conséquences économiques et sociales. Pour que le
renouvellement des générations soit assuré, il faut
en effet que l'indice de fécondité atteigne deux cent
dix enfants pour cent femmes, soit le chiffre de 2,1.
Or, ce taux, qui était de trois en 1948, à 1'époque
du "baby-boom", et de 2,9 en 1964, n'a cessé de descendre
pour tomber à 1,65 en 1994. Cet effondrement s'est
accompagné d'une hausse de l'âge moyen de la maternité
qui a dépassé 28 ans et demi en 1992 et d'une réduction
du nombre d'enfants français dont les effectifs ont
diminué d'un million six cent mille entre 1975 et
1990. C'est, en réalité, à un véritable "baby-krach"
que nous sommes aujourd'hui confrontés.
Ces chiffres inquiétants ne font pas encore sentir
pour l'instant tous leurs effets désastreux, car les
conséquences de la chute démographique sont décalées
dans le temps. Actuellement, le nombre de naissances
reste supérieur à celui des décès et la population
continue de croître. Ainsi, en 1993, les naissances,
au nombre de 712 000, l'ont emporté sur les décès
limités à 528 000. Mais cette balance encore favorable
n'est due qu'à la concomitance de plusieurs phénomènes
appelés à disparaître : les femmes en âge d'avoir
des enfants appartiennent encore à des générations
nombreuses, alors que les personnes âgées relèvent
des classes creuses. Il y a là, selon la terminologie
des démographes, un effet de pyramide qui permettait
encore à notre pays de bénéficier d'un excédent de
184 000 personnes en 1993, mais qui, malgré l'allongement
de l'espérance de vie, va faire apparaître un déficit
au cours de la première décennie du XXe siècle, époque
à laquelle la population commencera à diminuer.
Ajoutons que ce constat est encore plus dramatique
qu'il n'y paraît, car les chiffres précédents sont
artificiellement gonflés par la prise en compte des
résidents étrangers. Si l'on ne s'intéresse qu'à la
population française proprement dite, le tableau s'assombrit
encore. En 1991, dernière année dont 1'INSEE a publié
les statistiques, 57 p. cent seulement des 759 000
naissances sont issues d'un couple marié de nationalité
française et l'on estime que, sans apport étranger,
le nombre de naissances n'aurait été à cette date
que de 663 000. Si rien ne change d'ici là, les Français
commenceront donc à être de moins en moins nombreux
dès le début du siècle prochain.
D'ores et déjà, le vieillissement de notre peuple
s'inscrit dans les statistiques démographiques. Le
nombre de personnes âgées de plus de soixante-cinq
ans est passé de 5,8 millions en 1965 à 8,5 millions
en 1994 et il devrait atteindre 11,7 millions en 1'an
2015. Actuellement, pour la première fois dans notre
histoire, le nombre des adultes de plus de soixante
ans dépasse celui des enfants de moins de quinze ans.
Le nombre en péril
Cette situation inquiétante en elle-même pour la
survie de la nation française constitue de surcroît
une cause importante et souvent négligée du marasme,
voire de la régression économique.
C'est d'abord tout le système de l'assurance vieillesse
qui peut se trouver ainsi mis en péril puisqu'il repose
sur l'équilibre démographique entre actifs et retraités.
Or, le ratio des cotisants par rapport aux pensionnés,
qui était encore de 2,24 en 1990, ne cesse de diminuer
et tombera, si rien ne change, à 1,5 en 2040. Il apparaît
donc qu'en l'absence de tout redressement, les difficultés
du régime de retraite sont aujourd'hui dérisoires
au regard de ce qu'elles seront au siècle prochain.
Elles constituent néanmoins dès maintenant un handicap
pour l'économie nationale dont le système productif
se trouve pénalisé par le poids croissant des charges
sociales.
Au-delà de ces effets mécaniques, la chute de la
natalité affecte directement le dynamisme de l'économie
nationale. Une démographie vigoureuse représente,
chacun le sait, un facteur de croissance, alors qu'à
l'inverse une population vieillissante dont le nombre
diminue ne peut soutenir qu'une économie stagnante
ou régressive. L'explication est évidente : le nombre
constitue un facteur de puissance et de créativité
pour une nation. Comme le dit William Petty en forme
de boutade, " il est p]us probable de trouver un homme
ingénieux et curieux parmi quatre millions de personnes
que parmi quatre cents ". Si les Américains reçoivent
le plus grand nombre de Prix Nobel, c'est qu'ils sont
les plus nombreux parmi les peuples développés. Si,
dans le passé, la France, l'Allemagne, l'Italie ou
la Grande-Bretagne ont donné naissance aux civilisations
les plus brillantes, c'est que ces nations étaient
les plus peuplées d'Europe. Certes, le nombre n'est
rien sans le niveau d'instruction et le génie d'un
peuple, mais, à qualité égale, la célèbre formule
de Jean Bodin, " il n'est de richesses que d'hommes
", demeure aujourd'hui comme hier une vérité première.
Le nombre est d'ailleurs d'autant plus nécessaire
que, dans le monde actuel où la concurrence économique
se fait impitoyable entre les nations, le rapport
de force demeure une réalité incontournable. Or, un
peuple nombreux est indéniablement un facteur de puissance,
ne serait-ce que par la taille du marché intérieur
qu'il permet d'organiser et qui constitue dans la
compétition internationale un instrument de sécurité
et de pression non négligeable.
En manque de jeunesse
Encore faut-il que l'âge moyen de la population
soit relativement bas, car, là encore, la jeunesse
est un facteur de croissance et de prospérité. Certes,
les enfants et les adolescents sont des inactifs et,
à ce titre, ils consomment sans produire et pèsent
donc eux aussi sur l'ensemble du système économique.
Mais considérer la présence des jeunes générations
comme une cause de la limitation du niveau de vie
moyen de la population n'est qu'une vision à court
terme, car les enfants d'aujourd'hui sont les jeunes
gens de demain. Certes, les nouveau-nés de cette année
ne seront pas "productifs" avant 2020 mais ce sont
les Français qui auraient pu naître en 1970 qui font
actuellement défaut dans la population active. A cet
égard, les enfants constituent en quelque sorte l'investissement
humain de la nation.
Quant aux jeunes gens, ils ont à jouer un rôle essentiel
dans le redressement économique de notre pays. Un
jeune travailleur n'est-il pas en effet un atout indéniable
pour une entreprise ? Par sa formation plus récente,
par son ouverture aux nouvelles technologies, sa capacité
d'adaptation et son coût salarial inférieur à celui
de ses aînés, il représente a priori pour son employeur
un potentiel de rentabilité. Certes, chacun dans la
société a son rôle à tenir, mais si les qualités d'expérience,
de pondération et de prudence des générations plus
anciennes sont nécessaires dans la vie nationale,
il serait dangereux qu'elles soient seules à s'exprimer.
Car celles qu'incarnent les plus jeunes sont aussi
indispensables au redressement économique et, si les
valeurs d'entreprise, de volonté de conquête, d'audace,
d'imagination et de créativité propres à la jeunesse
venaient à manquer, la crise deviendrait peut-être
insurmontable.
La famille désintégrée
Sans doute en va-t-il de même des valeurs de la
famille dont la décomposition est aujourd'hui directement
liée à l'effondrement démographique. L'institution
familiale subit en effet depuis la fin des années
soixante une profonde déstabilisation : le nombre
des mariages, qui avait atteint le chiffre de 416
000 en 1972, est tombé à 254 000 en 1993 et, à l'inverse,
celui des divorces, de 30000 environ en 1960, dépasse
aujourd'hui les 100 000. Actuellement, deux millions
d'enfants vivent séparés de leur père et l'on assiste
à une redoutable montée de la solitude avec plus de
5,8 millions de personnes isolées, soit 50 p. cent
de plus qu'en 1975. Ce phénomène de destruction de
la famille accompagne ou explique la dénatalité, puisque
la fécondité hors mariage est inférieure de plus de
moitié à la fécondité légitime. A ce titre, la dégradation
de l'institution familiale compromet donc l'équilibre
du système économique et social. Et l'établissement,
qui se préoccupe davantage du mariage des homosexuels
par le biais du Contrat d'union civile et sociale
que de la préservation des valeurs familiales, porte
devant l'histoire une écrasante responsabilité.
La famille est en effet le lieu par excellence où
se constituent les patrimoines, lesquels sont nécessaires
à la solidité de l'économie et à la stabilité des
structures sociales. Au plan financier, ce sont eux
qui assurent la richesse sur laquelle se fondent la
prospérité et la vitalité économique. Sans eux, et
donc sans capitaux privés, le système de production
et d'échange se trouve gravement handicapé comme peut
l'être une entreprise qui manque de fonds propres.
Au plan social, les actifs patrimoniaux, même modestes,
représentent une assurance et une sécurité vis-à-vis
des aléas de l'existence. La famille, lieu privilégié
où s'accumulent et se transmettent les patrimoines,
constitue donc une institution économiquement bénéfique,
aussi sa décomposition met-elle en péril le retour
de la prospérité.
L'égoïsme social
Ajoutons que, si la structure familiale se délite,
tous les groupes traditionnels qui contribuaient à
organiser les solidarités au sein de la nation connaissent
le même sort. C'est le cas de la communauté de travail
qu'incarnait peu ou prou l'entreprise et qui vole
en éclats sous la pression de la crise et de la concurrence
mondiale. Beaucoup de sociétés évoluent en effet d'une
structure de type bureaucratique et paternaliste vers
une forme d'organisation entièrement consacrée à la
guerre économique où seule compte l'efficacité la
plus totale. Subissant des restructurations incessantes
et pratiquant des licenciements massifs et successifs,
les entreprises soumettent leurs salariés à une pression
de plus en plus dure: ceux-ci se trouvent écrasés
de travail, pressurés sans égards, licenciés à la
moindre faiblesse et rémunérés au plus juste. Ainsi
voit-on des firmes renouer avec des conceptions du
passé où seule prévalait la dure loi du profit.
On voit alors l'égoïsme le plus total se substituer
aux liens traditionnels et le monde se faire dur et
implacable, surtout aux faibles. Disparaissent alors
les notions de solidarité, d'appartenance et de protection.
La société se massifie et les personnes deviennent
des individus isolés et exposés sans défense à la
loi impitoyable de l'argent et du chacun pour soi.
Le sursaut vital
Dévalorisation du travail, montée de la corruption,
rejet de la nation, avachissement des esprits, dénatalité,
vieillissement, décomposition de la famille, développement
de l'égoïsme social, ces phénomènes de dégradation
des structures et des valeurs sociales vont se multipliant
et jouent un rôle funeste dans le développement de
la crise économique. Certes, ils n'en constituent
pas les déclencheurs ni les causes premières, mais
ils créent au sein de la société un état de déliquescence
qui favorise le marasme dans lequel s'enlise notre
pays.
Dès lors, un gouvernement qui veut
véritablement apporter des remèdes de fond pour engager
le redressement ne doit pas ignorer cette dimension
que l'établissement occulte pourtant totalement. Car,
si l'économie est avant tout une activité humaine,
elle ne peut prospérer que nourrie par un tissu de
valeurs et d'institutions saines et exigeantes poussant
au dépassement de soi. L'ardeur économique passe par
le regain de la vie et le retour des vertus fondatrices
de notre civilisation.