Profondément malade, l'économie française ne se trouve
pas seulement soumise aux effets délétères du rejet
des valeurs et aux conséquences catastrophiques de
l'explosion du chômage, elle est minée par l'étatisme
qui consomme sa substance et constitue depuis des
décennies son principal handicap.
L'étatisation de la nation
L'étatisme ne date en effet pas d'aujourd'hui. Sans
doute remonte-t-il au moins à 1936, date à partir
de laquelle s'est installée progressivement en France
cette forme hybride de marxisme qu'est la social-démocratie.
Moins totalitaire que le communisme, celle-ci n'en
est pas moins fondée sur les mêmes principes philosophiques.
Comme le socialisme, elle repose sur l'idée que la
société peut être construite de toutes pièces et qu'il
lui revient de façonner l'individu. Comme lui, elle
poursuit l'objectif d'égaliser les conditions de tous
et considère que l'État a pour mission de transformer
la société et de prendre les hommes en main du berceau
à la tombe. Cette conception a donné naissance à la
notion d'État providence, ou de Welfare State, qui
a conduit à une étatisation progressive de la nation
française. Peu à peu, des secteurs entiers de notre
économie sont passés sous la coupe de la puissance
étatique. Les nationalisations, la création et le
développement tentaculaire des organismes sociaux,
la multiplication des structures para-étatiques ont
développé démesurément la sphère publique. Dans le
même temps, des systèmes étatisés captaient dans une
proportion croissante les flux financiers, alors que,
par ailleurs, la législation et la réglementation
ne cessaient de s'amplifier et de se complexifier.
Aujourd'hui, le monde étatique pèse tel un monstre
obèse sur l'ensemble de la société française.
Le nombre de fonctionnaires et d'agents publics,
qui ne dépassait pas les 3,5 millions en 1976, s'élève
désormais à 6,3 millions. Les dépenses du secteur
public représentent actuellement plus de 56 p. cent
du PIB de la nation, ce qui place à cet égard notre
pays dans une situation finalement plus proche de
celle de l'ex-URSS que du Japon. Enfin, le taux des
prélèvements obligatoires atteint les 45 p. cent du
revenu national, de sorte que les Français travaillent
en moyenne un jour sur deux pour la puissance publique.
De surcroît, I'argent ponctionné par l'État et les
autres collectivités est loin d'être utilisé à bon
escient ! L'étatisme est en effet synonyme d'immobilisme,
de gaspillage et même de nocivité, car beaucoup de
dépenses publiques se révèlent stériles et souvent
nuisibles.
La subventionnite
Ainsi, de nombreuses dépenses de l'État, parfois
très lourdes comme celles affectées au remboursement
de la dette, ne sont pas consacrées à des actions
bénéfiques pour le pays. Alors que 5 p. cent seulement
du budget est réservé aux investissements civils,
plus d'un quart des crédits est utilisé dans des interventions
économiques et sociales, parmi lesquelles figurent
de multiples actions de redistribution et notamment
les subventions à-tout-va. Celles dévolues aux entreprises
publiques et nationalisées tombent généralement dans
le tonneau des Danaïdes de leurs déficits perpétuels.
Gérées souvent sans rigueur et sans contrôle ou soumises
aux caprices des politiques et à la pression démagogique
de syndicats archaïques, elles ne parviennent plus
à équilibrer leurs comptes et croulent aujourd'hui
sous le poids des dettes. Ainsi en est-il de la SNCF,
d'Air France et d'Air Inter, du Crédit foncier, qu'il
a fallu liquider, ou du Crédit Lyonnais dont les contribuables
n'ont pas fini de rembourser les placements aussi
irresponsables que démesurés.
Citons également les subventions versées à la multitude
d'associations à travers lesquelles les politiciens
financent leurs clientèles aux frais des contribuables.
Ces derniers ne tirent en général aucun bénéfice des
crédits ainsi alloués, car, en ce domaine, le gaspillage
et la corruption sont rois. Ainsi, l'OCTET, créée
en 1983 et censée œuvrer à la promotion de la culture
et des nouvelles technologies, sera dissoute en mars
1986 sans s'être livrée à la moindre activité utile,
quelques mois seulement après avoir reçu du ministère
de la Culture une subvention de 6 921 000 francs~.
Que dire aussi des crédits de la politique de la Ville
distribués sans contrôle pour financer des actions
aussi absurdes que des stages de tir pour jeunes délinquants
ou des vacances à Los Angeles pour quarante jeunes
d'une banlieue de l'Essonne ? Cette triste énumération
à la Prévert pourrait s'allonger à l'infini, tant
est immense le registre de la gabegie étatique.
Des collectivités pharaoniques
Pourtant, le gaspillage n'épargne pas les collectivités
locales qui contribuent elles aussi à cette dilapidation
de l'argent des Français. Nos trente-six mille communes
ont dépensé en 1995 plus de 400 milliards de francs,
soit 40 p. cent de plus qu'il y a dix ans. La dotation
que leur verse l'État étant restée stable, c'est le
produit des taxes locales qui s'est envolé: plus 50
p. cent depuis 1985. L'encours de la dette a suivi
la même progression, pour dépasser actuellement les
trois cents milliards de francs, soit plus des trois
quarts des recettes annuelles des communes. Le montant
de l'endettement de la ville de Marseille, par exemple,
a atteint en 1989 le chiffre de 12 500 francs par
habitant ! Il représente aujourd'hui 11 600 francs
mais, pour une ville qui compte quarante mille "érémistes",
dont le taux de chômage est supérieur à 20 p. cent
et qui a perdu 10 p. cent de sa population en dix
ans, le pire est loin d'être évité. Multiplication
des projets pharaoniques et incapacité à maîtriser
les dépenses de fonctionnement, telles sont les deux
principales causes de cette dérive.
La loi Durafour de 1990 a imposé une revalorisation
annuelle de 2 p. cent du traitement des fonctionnaires
de catégories C et D. " Si donc, comme le souligne
Alain Richard, président du Syndicat de l'agglomération
nouvelle de Cergy-Pontoise et actuel ministre de la
Défense, les communes ne sont pas capables de réaliser
1,5 p. cent de gains de productivité par an sur leurs
dépenses courantes, elles ne pourront pas s'en sortir
". La plupart d'entre elles, loin d'être en mesure
d'améliorer leur productivité, n'ont cessé, en outre,
d'augmenter leurs effectifs d'employés. Comment s'étonner
dès lors de la croissance des impôts et des emprunts
communaux ?
De plus, les collectivités territoriales se lancent
parallèlement dans des investissements souvent aussi
luxueux que dispendieux. Ainsi la commune de Vitrolles,
qui compte trente-neuf mille habitants, a fait construire,
pour 100 millions de francs et pratiquement à ses
seuls frais, une salle de spectacle gigantesque qui
concurrence celle de Marseille. Et que dire de la
commune d'Amnéville, petite ville mosellane de neuf
mille âmes, qui n'a pas hésité à s'offrir une salle
de concert de douze mille places ? Quant aux nouveaux
sièges des Conseils généraux et des Conseils régionaux,
qui s'apparentent généralement à de véritables palais,
ils ont été construits à grands frais dans chaque
préfecture sans souci des deniers du contribuable.
Comment en est-on arrivé là ? La réponse est à chercher
dans la démagogie des politiciens et le mercantilisme
de l'établissement, deux mécanismes qui se conjuguent.
La priorité au clientélisme
La dégénérescence de la classe politique a en effet
accéléré le processus pervers du clientélisme. N'ayant
plus de convictions à défendre ni de projet à proposer,
les dirigeants politiques tentent de satisfaire telle
ou telle "clientèle" et de contenter les lobbies qui
frappent à leur porte les uns après les autres. La
formule est simple: on accorde de l'argent à certaines
catégories de Français sous forme d'aides ou de subventions
et on en fait supporter le poids à la population toute
entière. Comme la pression fiscale est diluée, le
risque de révolte des assujettis est réduit. En revanche,
on exploite médiatiquement cet avantage, comme au
jeu du Millionnaire, et l'on s'assure ainsi la sympathie
d'une clientèle dont on peut espérer qu'elle restera
fidèle. Ainsi, à Angoulême, ville totalement ruinée
par la gabegie et la malhonnêteté de son ancien maire
aujourd'hui en prison, ceux qui, par exemple, avaient
bénéficié de la réhabilitation gratuite de leur logement
continuent de vouer une profonde reconnaissance à
cet édile pourtant condamné par la justice. Il s'agit
là d'une logique à l'évidence profondément malsaine,
car elle fait passer les exigences des lobbies avant
l'intérêt général, sacrifiant ainsi l'avenir au présent.
Or, comme le faisait observer Barrès, l'intérêt général
doit tenir compte non seulement des générations présentes
mais aussi de celles à venir.
Une autre attitude propre à alourdir les dépenses
publiques se répand de plus en plus chez les politiciens
et les fonctionnaires: elle consiste à croire que,
pour résoudre un problème, il suffit de dépenser de
l'argent.
On achète tout
Ainsi, face à la dégradation du système scolaire,
l'établissement a toujours répondu par des augmentations
de crédit. Prioritaire depuis près de dix ans, le
budget de l'Education nationale est actuellement le
premier loin devant celui de la Défense, ce qui n'empêche
pas des voix de s'élever à chaque rentrée pour le
déclarer encore insuffisant. Pourtant, alors même
que les financements s'alourdissaient, la qualité
de l'enseignement se dégradait. Aujourd'hui, un enfant
sur sept, qui entre en sixième, ne sait pas vraiment
lire ni écrire ; un enfant sur quatre ne possède pas
les connaissances de base en calcul et l'on dénombre
12 p. cent d'illettrés parmi les élèves de troisième.
Depuis 1969, 1'enseignement français a produit chaque
année en moyenne quatre mille neuf cents bacheliers
supplémentaires. Parallèlement, cinq mille personnes
sont venues annuellement grossir les effectifs d'enseignants.
Pour former un bachelier de plus, il a donc fallu
recruter un professeur supplémentaire ! Sans pour
autant d'ailleurs réussir à enrayer la baisse de la
qualité générale des études, car beaucoup de titulaires
du baccalauréat n'ont plus aujourd'hui le niveau du
certificat d'études des années cinquante ! Quand on
sait de surcroît que, sur un million cent cinquante
mille agents que compte l'Éducation nationale, il
n'y a en réalité que six cent trente mille enseignants,
on comprend que la solution au problème ne réside
pas dans l'augmentation des crédits.
Il en va de même en matière d'immigration. La politique
de la Ville, censée assurer l'intégration des étrangers,
consiste à déverser sur les cités une masse considérable
de subventions pour rénover, réparer, construire,
rémunérer des animateurs, financer des stages et des
avantages de toute sorte. Or, depuis la mise en route
de cette politique, la délinquance n'a cessé de se
développer et la situation de se dégrader. Là encore,
ce n'est donc pas en dépensant toujours plus d'argent
que l'on résoudra les problèmes.
On peut faire une démonstration similaire dans le
domaine de l'emploi. Les gouvernements ont cru qu'en
consacrant une part du budget de l'État à la lutte
contre le chômage, ils allaient créer des postes de
travail. Une multitude de programmes a donc été lancée
à cette fin, tous plus onéreux les uns que les autres.
Mais, là encore, à mesure que l'on augmentait les
crédits d'aide à l'emploi, le chômage poursuivait
sa progression.
Quel curieux et scandaleux aveuglement que l'adhésion
à cette conception mercantile selon laquelle tout
pourrait s'acheter ! Comme s'il suffisait de payer
pour rétablir la paix dans les banlieues, juguler
le chômage ou améliorer l'enseignement ! Il se peut,
il est vrai, que l'établissement ne soit pas dupe
et feigne de croire à l'efficacité de cette méthode
pour camoufler son impuissance et pouvoir prouver
à l'opinion, chiffres à l'appui, que, malgré ses échecs,
il a agi et que sa responsabilité est donc dégagée.
En toute hypothèse, une telle attitude va à l'encontre
du but recherché, car ces dérives ne font en réalité
que renforcer encore le poids de l'État, lequel joue
un rôle majeur dans le développement de la crise.
La corne de pauvreté
Ces errements trouvent sans doute leur origine dans
une idée absurde chère aux tenants de la social-démocratie,
idée selon laquelle, comme dans un conte de fées l'État
serait doté d'une corne d'abondance capable dé subvenir
aux besoins de toute la population. Il y a cent cinquante
ans, l'économiste Frédéric Bastiat démontrait déjà
l'inanité de cette thèse: l'État, rappelait-il, ne
crée pas de richesses, il ne fait que répartir celles
produites par la nation. Or, la redistribution massive
des revenus par la puissance publique entraîne un
tarissement de la production des biens et des services.
Lorsque l'État ponctionne cent francs, il ne peut
en redistribuer que cinquante, le reste se trouvant
stérilisé sous forme de frais financiers et de dépenses
de fonctionnement. De plus, la redistribution pénalise
en général les plus actifs et les décourage de produire
davantage. Résultat : la conception redistributrice
de la social-démocratie conduit à l'appauvrissement.
S'agissant des entreprises, ce phénomène est particulièrement
néfaste puisqu'en ponctionnant une firme prospère
pour maintenir artificiellement en vie une société
non rentable, on accroît finalement le chômage. Appliquée
aux personnes, cette redistribution s'est révélée
par ailleurs incapable d'enrayer la montée de la misère.
Depuis 1980, les administrations publiques ont fait
passer leur dépense de 47 à 56 p. cent du PIB et,
dans le même temps, la croissance a chuté et la nouvelle
pauvreté a fait son apparition. Le nombre des "sans
domicile fixe" a explosé et il a fallu multiplier
les associations privées comme les Restos du cœur
pour venir en aide aux marginaux. Quant aux catégories
les plus riches de la population, elles ont largement
réussi, par l'expatriation ou par des montages juridiques
appropriés, à se mettre à l'abri des ponctions de
l'État, de sorte que la redistribution étatique, si
lourde et si coûteuse, ne touche pas vraiment ceux
qu'elle visait et ne fonctionne qu'en circuit fermé
à l'intérieur de la classe moyenne qu'elle voue à
une progressive paupérisation.
Si l'objectif annoncé, qui devait consister à ponctionner
les riches pour aider les pauvres, n'a pas été atteint,
en revanche le poids de l'étatisme a massivement limité
la création de richesses dans notre pays. Des catégories
entières de la population parmi les plus productives
et les plus inventives se trouvent aujourd'hui démotivées.
Quant aux entreprises, écrasées sous le poids des
charges et des impôts, elles manquent de fonds propres
pour investir et ne sont pas suffisamment compétitives
pour exporter.
L'Etat étouffoir
La charge des dépenses publiques constitue donc
la principale tare de l'économie française, tare que
vient encore aggraver, dans la compétition mondiale,
le faible niveau des ponctions étatiques subies par
ses concurrents étrangers. Ainsi, lorsque les dépenses
collectives représentent 56 p. cent du PIB en France,
elles ne dépassent pas 29 p. cent aux États-Unis et
34 p. cent en Allemagne, hors coût de la réunification.
Rapporté aux entreprises ce handicap se révèle encore
plus lourd puisque les sociétés françaises subissent
en moyenne une ponction de 24 p. cent du PIB contre
17 p. cent pour les firmes allemandes, soit un écart
de sept points ou une charge supplémentaire de plus
de cinq cents milliards de francs, presque l'équivalent
de l'épargne brute des sociétés !
La situation de l'économie française apparaît encore
plus inquiétante si l'on observe son évolution dans
le temps Notre pays se trouve en effet engagé dans
la voie de la détérioration avec une élévation des
dépenses publiques systématiquement supérieure à celle
du PIB, alors que nos principaux concurrents occidentaux
suivent désormais le chemin de l'assainissement.
La France connaît ainsi un déficit budgétaire en
croissance constante qui est de l'ordre de 320 milliards
de francs pour 1996. Sans parler d'une dette qui ne
cesse de s'alourdir et dont l'encours atteignait la
même année un montant de 3 500 milliards de francs,
soit 60 000 francs par habitant ! Les marchés financiers
s'en trouvent perturbés, puisque les emprunts publics,
en raréfiant l'argent disponible, favorisent le maintien
de taux d'intérêt élevés et pénalisent par là même
l'investissement des entreprises. Ainsi, l'Etat asphyxie
les agents économiques non seulement en les ponctionnant,
mais en les privant de capitaux abondants et bon marché.
Il est vrai que la puissance publique elle-même rencontre
désormais des difficultés financières considérables.
Avec 226 milliards de francs en 1996, le service de
la dette représente le premier poste du budget de
l'État, il a cru de 8,2 p. cent de 1995 à 1996, pour
une croissance du PIB de 1,5 p. cent. La France, agissant
comme les pays du Tiers-monde, est obligée d'emprunter
pour honorer ses engagements et couvrir ses dépenses
courantes.
L'Etat est en train d'étouffer la communauté nationale.
Il fait dépérir ses forces vives, appauvrit ses membres
et se dévore lui-même. Il est donc extrêmement urgent
d'interrompre ce processus suicidaire, d'autant que
le fléau de l'étatisme, endémique depuis de nombreuses
années en France, prend aujourd'hui des proportions
démesurées sous l'effet démultiplicateur du mondialisme
qui frappe notre pays.