Mondialisation, globalisation, dérégulation, tels
sont les mots à la mode. Il n'est pas d'entreprises,
d'administrations ou d'institutions qui ne se considèrent
aujourd'hui comme engagées dans un processus d'internationalisation.
Le monde serait devenu un village, les frontières
seraient toutes destinées à disparaître et l'économie
promue à une intégration mondiale, source de progrès
et de croissance.
Cette conception quasi dogmatique de la mondialisation
des économies relève davantage de la pensée magique
ou du parti pris idéologique que d'une vision rationnelle
de la réalité. Lorsque l'on considère en effet les
conséquences objectives de cette évolution, on ne
peut partager l'enthousiasme des sectateurs du mondialisme.
Ce dernier conduit en effet au chômage, à la baisse
des salaires, à la précarité, à la misère et, plus
globalement, entraîne une régression sociale de grande
ampleur. Sans compter qu'il fait perdre à notre pays
une part de sa substance économique, menace son indépendance
et donc sa liberté.
Laisser faire, laisser passer
Amorcée dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
la pratique du laisser faire, laisser passer à l'échelle
internationale s'est amplifiée au cours des dernières
années au point de constituer, non plus seulement
une réalité économique, mais un dogme de la pensée
unique que l'on ne saurait critiquer sans passer pour
rétrograde. L'ouverture des frontières, la suppression
des droits de douane et la division internationale
du travail, déjà largement mises en œuvre par les
gouvernements occidentaux, sont considérées comme
des évolutions bénéfiques qu'il serait stupide de
contester et impensable de remettre en cause. Quant
à l'intensification du commerce mondial, elle est
pratiquement désignée par les économistes et les politiciens
de l'établissement comme le premier objectif à poursuivre
pour "maximiser" le bien-être des consommateurs.
Sans doute le développement massif des échanges
a-t-il permis à certains pays du tiers monde, tels
ceux du Sud-Est asiatique, de connaître un développement
économique spectaculaire. Mais ce phénomène a-t-il
été bénéfique au développement de la France ? En a-t-elle
retiré des avantages en termes de croissance et d'emploi
? Quand on observe l'évolution de ces deux variables
au cours des années écoulées. Rien ne permet de l'affirmer.
En 1949, au lendemain de la guerre, la France jouissait
d'une protection douanière dont les droits s'élevaient
en moyenne pondérée à 20 p. cent. Progressivement,
avec la ratification du traité de Rome la mise en
place du tarif douanier commun, la signature des accords
du GATT négociés dans le cadre du cycle Kennedy, du
cycle de Tokyo et récemment du cycle de l'Uruguay,
notre économie s'est presque totalement ouverte aux
échanges mondiaux avec un tarif extérieur commun aux
pays de l'Europe communautaire inférieur à 5 p. cent.
Résultat : la croissance a diminué progressivement,
passant de 5 p. cent à moins de 2 p. cent en moyenne,
alors que le taux de chômage ne cessait d'augmenter,
partant de 1 p. cent dans l'immédiat après guerre
pour atteindre aujourd'hui le chiffre officiel de
1.3 p. cent. Il y a donc concomitance entre les mauvaises
performances de l'économie française observées au
cours des vingt dernières années et la libéralisation
des échanges. A l'évidence, le libre-échangisme n'a
pas provoqué les effets positifs qu'il était censé
produire.
Mondialisme = chômage
Sur le plan économique, les effets du dogme mondialiste
ne sont donc pas positifs en général et, dans le cas
particulier des relations de la France avec les pays
en voie d'industrialisation, ils sont même nettement
négatifs. Ainsi, le commerce avec la Chine, I'Inde
ou l'Indonésie, par exemple, s'effectuant sans aucune
régulation, donne lieu à une concurrence totalement
déloyale.
Ces pays bénéficient en effet de coûts de fabrication
nettement plus faibles que ceux pratiqués en France.
Les niveaux de vie et donc de rémunération y sont
beaucoup plus bas, le système de protection sociale
y est encore embryonnaire, la réglementation plus
limitée et les contraintes d'environnement apparaissent
inexistantes. Il en résulte que les articles fabriqués
dans ces pays coûtent sensiblement moins cher que
ceux produits à l'intérieur de nos frontières.
Nos entreprises subissent donc, de ce fait, un handicap
structurel d'autant plus insurmontable que ces États
pratiquent de surcroît le dumping monétaire, lequel
accentue encore la différence de prix avec les fabrications
françaises. Ainsi, à travers une politique de dévaluation
compétitive d'autant plus facile à réaliser que leurs
monnaies ne sont pas convertibles, la Chine, I'Inde
et l'Indonésie ont réussi à diviser par quatre la
valeur de leur monnaie. Ces trois nations ont ainsi
pu abaisser la moyenne de leurs prix exprimés en francs,
prix qui se situaient en 1990 entre le quart et le
cinquième du niveau français, à un seuil qui correspond
en 1995 au dixième de ce dernier pour l'Inde et l'Indonésie
et au treizième pour la Chine.
Comment, dans ces conditions, nos entreprises peuvent-elles
supporter une telle concurrence dès lors que les protections
aux frontières ont été supprimées ? Celles qui produisent
des biens exportés par ces pays se trouvent ainsi
placées devant une alternative dramatique : déposer
leur bilan ou délocaliser leur usine. Le libre-échangisme
mondial est donc responsable d'une vague massive de
délocalisations industrielles qui a déjà sinistre
des secteurs entiers de notre économie, comme, par
exemple, la construction navale, le textile, les biens
de très grande consommation. Certes, notre pays peut
chercher à compenser ces pertes de substance par le
développement d'autres secteurs, notamment ceux à
plus forte valeur ajoutée. C'est d'ailleurs ce qu'il
a entrepris, comme le montre l'excédent global de
la balance commerciale. Mais un tel redéploiement
ne remédie en rien au déficit de l'emploi. Le mondialisme
économique provoque en France un chômage massif et
une précarité croissante.
Ainsi, dans l'organisation du commerce international
de la France, les échanges avec les pays à faible
coût de production restent encore secondaires, mais
se révèlent, en termes d'emploi, terriblement pénalisants.
Les importations en provenance de la Chine par exemple
s'élèvent à 20 milliards de francs, alors que les
exportations françaises vers ce pays ne dépassent
pas la moitié de ce montant. Si l'effet sur le déficit
commercial, limité à 10 milliards, reste donc relativement
mineur, l'impact sur le marché du travail, en revanche,
est beaucoup plus traumatisant. Les produits importés,
s'ils avaient été fabriqués en France, auraient nécessité
la mobilisation de deux cent cinquante mille emplois,
alors que les articles exportés ne correspondent qu'à
trente-cinq mille postes de travail. Le "déficit"
en termes d'emploi atteint donc un chiffre considérable
qui d'ailleurs ne concerne pas que les branches à
faible valeur ajoutée. Dans le secteur des services
aussi, une étude récente a montré que la mondialisation
allait, par égalisation des niveaux de productivité,
provoquer des licenciements massifs au sein des grands
pays développés.
Baisse des salaires
Le mondialisme économique constitue de ce fait un
facteur majeur d'aggravation du chômage et, plus globalement,
de détérioration des conditions de vie des Français.
Il provoque en effet d'autres phénomènes particulièrement
néfastes à l'harmonie sociale et, notamment, une pression
à la baisse des salaires et des prestations sociales.
Dans un marché sans cloisonnement, les niveaux économiques
tendent naturellement à s'égaliser selon le principe
des vases communicants. Certes, si de profondes rigidités
subsistent et si le nivellement des situations entre
pays développés et pays du Tiers-monde n'est pas pour
demain, une forte pression existe néanmoins en ce
sens. La France et l'Europe en subissent actuellement
les effets désastreux avec le transfert à l'étranger
des emplois français et aussi avec la baisse des salaires.
Cette pression à la diminution des rémunérations se
manifeste d'ailleurs déjà de façon concrète au travers
des décisions que prennent les dirigeants de la classe
politique et les chefs d'entreprise. Ainsi le "SMIC
jeune", que le gouvernement Balladur tenta d'instaurer
en 1994, visait déjà à limiter les coûts de production
face à la concurrence mondiale en réduisant le salaire
d'embauche des plus jeunes. Quant aux patrons, pour
tenter de sauver leur entreprise, ils sont de plus
en plus souvent amenés à tenir à leurs employés un
discours très brutal: "Si vous voulez éviter la faillite,
il n'y a que deux solutions. Ou je mets certains d'entre
vous au chômage ou tout le monde accepte une réduction
de salaire." Cette évolution déplorable est d'ailleurs
reconnue par des économistes pourtant partisans du
libre-échangisme, tel le professeur Minford de l'université
de Liverpool qui affirmait lors d'un colloque de l'ALEPS
que " les travailleurs non qualifiés ont été lourdement
perdants en termes relatifs et absolus ". Ce tenant
du libre-échangisme allait même jusqu'à s'inquiéter
: " La menace grandissante de la concurrence des bas
salaires sur le niveau de vie des employés non qualifiés
des pays riches est susceptible de rompre l'engagement
de ces pays à pratiquer le libre-échange. "
Précarité des situations
A cette tendance à la baisse des salaires s'ajoute
un accroissement de la précarité des situations. L'ouverture
à-tout-va des frontières exerce en effet une très
forte pression sur l'ensemble des entreprises et des
professions qui fragilise désormais tout le monde.
Telle société jusqu'à présent prospère peut être soudain
l'objet d'une agression commerciale d'envergure venue
de l'étranger et se voir contrainte de déposer son
bilan. Telle autre, pour faire face à l'intensification
de la concurrence, devra restructurer et licencier
massivement. La plupart des emplois salariés deviennent
aléatoires et des situations qui semblaient stables
et inscrites dans une perspective de carrière sont
dorénavant incertaines et susceptibles de revers brutaux.
Les professions indépendantes connaissent des affres
comparables. Les artisans subissent les effets pervers
de la concurrence du travail clandestin, les commerçants
ceux des groupes internationaux de la grande distribution.
Quant aux professions libérales, naguère privilégiées,
elles sont, pour beaucoup d'entre elles, en voie de
prolétarisation. Les agents de la puissance publique
eux-mêmes vont avoir à souffrir des conséquences de
la mondialisation, laquelle, dans leur secteur, prend
la forme de la dérégulation. Sous le couvert du traité
de Maastricht, les services publics sont condamnés
à perdre leur monopole, à plonger dans la concurrence
internationale, à être privatisés et connaîtront donc,
à terme, restructurations et licenciements. C'est
déjà le cas, par exemple, d'Air Inter et d'Air France.
De même, France Telecom et La Poste sont en voie d'être
touchés par ce processus ; la SNCF, EDF ou la RATP
pourraient suivre dans les années à venir. La mise
en cause à cette occasion de quelques privilèges scandaleux
réjouira sans doute ceux qui sont attachés à la rigueur
et à la justice, mais une telle évolution se révèle
globalement néfaste, car la performance économique
n'est pas tout dans la vie des hommes et des sociétés.
Et si trop de facilité peut pousser à la sclérose
et à l'inaction, qui peut nier que la précarité, l'incertitude,
la perte des repères et l'absence d'espoir suscitent
l'angoisse, le sentiment de déracinement et le malheur
?
Aussi le mondialisme économique représente-t-il
aujourd'hui la principale cause de la régression sociale
que subit notre pays. Chômage, baisse du niveau de
vie, précarité, tous ces maux vont de pair avec la
concurrence sauvage à laquelle la France est soumise.
Les sophismes du mondialisme
Il est vrai que certains se refusent à reconnaître
cette réalité et persistent à voir dans le libre-échangisme
intégral un facteur d'amélioration du niveau global
de richesse et donc du niveau de vie moyen. Certains
avocats du mondialisme font ainsi valoir que, pour
un vieux pays comme la France, ]'ouverture à la concurrence
mondiale est nécessaire si l'on veut éviter la sclérose
et la régression. Par la pression stimulante qu'elle
exerce sur l'appareil industriel, disent-ils, la compétition
internationale pousse les entreprises à développer
au maximum leurs potentialités, exerçant ainsi sur
le tissu économique une action bénéfique de régénération.
Sans doute l'argument est-il plein de bon sens, mais,
là encore, tout est question de mesure. Au Moyen Age
ou dans l'Antiquité, les murailles érigées autour
des cités pouvaient créer un sentiment fallacieux
de sécurité et conduire les habitants à montrer moins
de combativité et à se désintéresser de l'exercice
des armes. Fallait-il pour autant, afin de maintenir
en permanence la ville au maximum de son efficacité
guerrière, détruire ces murailles par trop protectrices
?
D'autres défenseurs du mondialisme mettent en avant
la baisse des prix qu'entraîne pour le consommateur
l'ouverture des frontières. N'est-ce pas une amélioration
des conditions d'existence que de pouvoir acheter
son magnétoscope 1 000 francs moins cher qu'il ne
coûterait s'il était fabriqué en France ? Certes,
mais à quoi bon si, dans le même temps, il faut verser
5 000 francs ou 10 000 francs de charges sociales
et d'impôts supplémentaires pour indemniser les chômeurs
qui ne réalisent plus les produits importés et si,
par ailleurs, il faut accepter une baisse de 10 p.
cent de son salaire pour permettre a son entreprise
de rester compétitive ? En clair, si le libre-échangisme
peut être favorable au consommateur il ne l'est pas
au travailleur ni au contribuable et le bilan global
est donc loin d'être nécessairement positif.
Recommencer à zéro
D'autant que la liste des inconvénients ne s'arrête
pas là, car la mondialisation accélérée des échanges
pose également le problème de l'indépendance nationale.
Si l'on accepte le développement sans frein d'un tel
processus, des pans entiers de notre industrie peuvent
disparaître. Déjà, dans le passé récent, les entreprises
de certaines branches, soumises à une concurrence
aussi brutale que déloyale, ont été acculées à la
faillite et, de plans de restructuration en plans
de redressement, la France a progressivement perdu
toute potentialité industrielle dans ces secteurs.
Ainsi la construction navale s'est-elle trouvée
totalement sinistrée et notre flotte de commerce réduite
comme peau de chagrin. Sans doute certains peuvent-ils
considérer qu'il s'agit là d'un secteur secondaire
dont notre pays peut parfaitement se passer: si la
France ne fabrique plus de bateaux et ne possède plus
de flotte, elle peut faire transporter ses marchandises
par des compagnies maritimes étrangères qui lui assurent
le même service à meilleur prix. D'un strict point
de vue marchand, la situation nouvelle peut être considérée
comme parfaitement acceptable, mais, en termes d'indépendance
nationale, elle est beaucoup plus discutable. En effet,
en cas de crise internationale majeure, la France
ne disposerait plus de navires pour assurer par elle-même
ses approvisionnements les plus essentiels et elle
ne serait même plus en mesure d'en construire. Non
seulement ses chantiers navals auraient été démantelés,
mais le savoir faire se serait progressivement perdu.
Certes, on peut toujours tout recommencer à zéro,
mais à quel coût et dans quels délais ? Un exemple
d'autant plus éclairant qu'il n'est pas isolé, car
d'autres secteurs, le textile, les machines outils.
à bien des égards la sidérurgie et l'informatique,
ont déjà subi le même sort. Et si la mondialisation
se développe, d'autres domaines, et non des moindre,
peuvent être sinistrés à leur tour. On peut citer
l'électronique grand public, les industries d'armement
et, au dire même de M. Calvet, le président de Peugeot,
la branche automobile toute entière.
A ces constats d'évidence les sectateurs du mondialisme
économique répliquent que le potentiel de production
perdu par la France dans certains secteurs est compensé
par les gains quelle réalise dans ses domaines d'excellence.
Sur un strict plan comptable, un tel argument est
recevable et se trouve d'ailleurs pour l'instant corroboré
par l'excédent de la balance commerciale, même si
cet excédent reflète surtout la très médiocre croissance
de notre économie. Mais, outre qu'elle n'est pas fondée
pour ce qui concerne l'emploi, cette vision exclusivement
marchande ne prend pas en compte la globalité des
enjeux. Car, avec l'acceptation de ces restructurations
majeures, c'est en réalité la division internationale
du travail qui se trouve approuvée et encouragée.
La France dès lors perd son indépendance pour n'être
plus qu'une pièce dans le Meccano économique mondial
des grands maîtres du libre-échangisme. Elle n'a plus
qu'à produire ce qui lui est assigné dans les secteurs
qui lui restent accessibles. Tel est le dessein caché
de l'ultra-libéralisme international : soumettre notre
pays à un plan économique qui le dépasse et qu'il
ne maîtrise pas.
Un marché de dupes
Pour la France, cette perspective de spécialisation
absolue de l'économie nationale est totalement inacceptable.
Car, s'il veut conserver un minimum d'indépendance,
comment notre pays pourrait-il renoncer à une industrie
diversifiée et ne plus produire à terme que des Airbus,
des produits agro-alimentaires et des services ?
Les bénéfices de l'ultralibéralisme international
sont par ailleurs illusoires, car les avantages qu'il
est censé produire peuvent se révéler fallacieux une
fois replacés dans la durée. En effet, la théorie
de la division internationale du travail ne tient
pas compte des variations dans e temps des termes
de l'échange. Si bien qu'une restructuration qu'on
nous présente aujourd'hui comme bénéfique peut apparaître
demain catastrophique. Une situation donnée du marché
mondial peut conduire la France a abandonner un secteur
de production où elle ne parvient pas à affronter
la concurrence sauvage qu'elle subit. Au prix de dramatiques
restructurations, l'appareil productif est alors démantelé,
les salariés reconvertis à grand-peine et, en contrepartie,
les consommateurs achètent moins cher les produits
désormais importés. Mais si, quelques années plus
tard, la situation du marché se retourne et que les
prix augmentent, parce que, par exemple, les nouveaux
pays producteurs voient, avec l'élévation de leur
niveau de vie intérieur, les coûts de revient augmenter
chez eux, alors la France aura perdu sur tous les
plans. Elle se sera appauvrie d'une partie de son
potentiel industriel, elle aura amputé son indépendance
et ne bénéficiera plus d'aucun avantage de prix pour
ses consommateurs.
Il est donc criminel de ne pas prendre en considération
la dimension temporelle des restructurations internationales.
Ainsi, la Corée, qui, avec quelques autres pays, a
largement contribué, en cassant les prix mondiaux,
à détruire la construction navale française, connaît
aujourd'hui une augmentation de ses coûts de fabrication
liée au développement de l'économie et à l'élévation
du niveau de vie. Qui peut dire si, dans quelques
années. les prix coréens de construction de navires
ne seront pas au niveau que les chantiers navals français
auraient pu atteindre progressivement en multipliant
les efforts pour décupler leur productivité ? Les
Japonais se sont déjà livrés à de telles opérations.
Forts de la puissance de leur marché intérieur et
de leurs marchés captifs, ils n'ont pas hésité à pratiquer
des prix de dumping sur certains produits afin de
ruiner les entreprises nationales qui les concurrençaient,
puis ont cyniquement racheté ces sociétés ou se sont
installés à leur place pour, ensuite, remonter le
niveau des prix. Sur le long terme, à accepter passivement
le libre-échangisme mondial, la France risque de perdre
son indépendance et de découvrir trop tard qu'elle
a passé un gigantesque marché de dupes.
Dans l'arène, les mains liées
La mondialisation de l'économie nationale n est
donc pas seulement un phénomène objectif auquel il
faudrait s'adapter comme on prend en compte le progrès
technique. Certes, elle résulte de l'amélioration
des moyens de communication et donc du rapetissement
de la planète, mais l'avènement du monde fini n'implique
nullement la suppression des frontières et des nations.
Il est d'ailleurs significatif qu'à rebours des idées
reçues, la tendance actuelle soit à une relative restriction
du volume des échanges extérieurs.
La mondialisation, parce qu'elle se révèle néfaste
pour la prospérité de notre peuple et qu'elle attente
à son indépendance, doit être combattue ou, à tout
le moins, régulée si l'on veut limiter ses effets
négatifs. Pour la France, il s'agit là d'un impératif
d'autant plus nécessaire que le choc du mondialisme
est encore aggravé par les effets délétères de l'étatisme.
Le libre-échangisme sauvage exerce déjà, à lui seul,
de fortes pressions déstabilisatrices sur la société
française, mais celles-ci sont encore amplifiées par
le handicap supplémentaire que représente le poids
écrasant des ponctions publiques sur la nation. Accablés
de charges et d'impôts, les acteurs économiques français
se trouvent de surcroît exposés sans la moindre protection
à la concurrence internationale. Alors même qu'on
leur demande d'affronter dans une véritable guerre
économique des concurrents pratiquant des prix redoutablement
bas, on les oblige à incorporer dans leurs coûts des
taxes de plus en plus élevées. Tout se passe comme
si nos combattants étaient jetés dans l'arène les
mains lices dans le dos ! Comment s'étonner dès lors
que l'économie française connaisse une crise sans
précédent et que nos compatriotes en subissent dans
leur âme et dans leur chair les conséquences désastreuses
?
En poursuivant une politique inverse de celle des
pays qui réussissent, la France va à l'encontre de
ses intérêts. Au lieu d'imiter le Japon, par exemple,
et de protéger son marché intérieur tout en limitant
les charges imposées aux entreprises, elle ouvre ses
frontières sans aucune réputation et fait crouler
son économie sous le poids de taxes et de règlements.
On ne peut cumuler plus de handicaps et c'est un miracle
que le système français de production et d'échange
n'ait pas encore sombré et que nos entreprises n'aient
pas toutes disparu !
Cette vigueur face à l'ampleur des
difficultés constitue d'ailleurs un motif d'optimisme.
Notre économie se révèle, dans ses fondements, solide
et pleine de ressources. Encore faut-il adopter, enfin,
une stratégie propre à susciter le sursaut national.