La mondialisation accélérée de la France et de son
économie constitue aujourd'hui la cause première de
la crise que traverse notre pays. Agissant comme un
dissolvant sur les structures traditionnelles et le
tissu industriel de la nation, le libre-échangisme
met en cause l'harmonie sociale, plonge des millions
d'hommes dans le chômage, la misère et l'angoisse
du lendemain. Il déstabilise l'appareil de production
et met en danger l'indépendance et la sécurité de
notre pays. Aussi le retour au développement passe-t-il
par une protection face à ce fléau. Il n'est pas possible
de reconstruire l'ordre social et de retrouver la
croissance économique sans domestiquer la concurrence
sauvage qui nous vient de l'étranger.
Mondialisme superstar
Le problème du mondialisme est en effet d'une ampleur
considérable car, non seulement il détermine aujourd'hui
tous les mécanismes économiques, mais il subjugue
les experts, les gouvernements et les décideurs économiques.
Libre-échangisme, concurrence internationale, globalisation
des marchés, ouverture des frontières, dérégulation,
les mots de la mondialisation de l'économie sont sur
toutes les lèvres, dans les colonnes de tous les journaux
et dans les préoccupations de tous les dirigeants.
Il s'agit là d'un phénomène qui s'affirme comme le
plus important de cette fin de siècle. Indiscutable
et indiscuté, il est présenté à la fois comme une
donnée objective inéluctable et une opportunité qu'il
faut encourager.
A ce degré de présence médiatique, la mondialisation
n'apparaît plus comme un fait ou une doctrine économique
mais comme une idée à la mode ou, plus précisément,
comme l'idée fixe de la pensée unique. Aussi convient-il
d'examiner ce mécanisme avec recul pour en apprécier
tous les aspects aussi bien négatifs que positifs.
Car il n'est pas question de poser sur ce sujet un
regard manichéen et de nier la nécessité et le caractère
souvent bénéfique du commerce international. D'autant
qu'il se révèle au tournant du siècle comme une réalité
au sein de laquelle la France joue un rôle éminent.
Les échanges internationaux dans lesquels notre
pays est impliqué ont en effet connu une croissance
considérable depuis la guerre, passant en francs courants
de 13 milliards en 1950 à 1 603 milliards en 1994,
soit une augmentation de leur part dans le PIB de
13 p. cent à 22 p. cent. La France est aujourd'hui
le quatrième exportateur de marchandises du monde
et le second exportateur de services derrière les
États-Unis et loin devant l'Allemagne. Apparemment,
cette situation ne nous est donc pas défavorable,
d'autant que la balance commerciale se trouve excédentaire
et celle des paiements équilibrée.
Et il est vrai que le commerce international joue
à bien des égards un rôle positif de stimulant de
l'économie. La concurrence qui en résulte est en effet
dans son principe saine et bénéfique puisque censée
améliorer les performances économiques d'un pays.
En favorisant l'innovation et la compétitivité, elle
conduit en théorie à une augmentation de la richesse
nationale et du niveau de vie des personnes. Aussi
serait-il absurde de vouloir isoler la France du monde
extérieur et de la priver de cette pression à l'excellence
que constitue la compétition internationale. Un repli
de notre pays sur lui-même selon une conception autarcique
de l'activité économique dispenserait les entreprises
françaises d'investir et d'innover et serait donc
très préjudiciable au progrès technologique, à la
prospérité et à la puissance de notre nation. Ce serait
là un facteur majeur de stagnation, voire d'involution.
Le libre-échangisme extrémiste
Mais si l'autarcie se révèle une absurdité, l'ultralibéralisme
international est-il pour autant bénéfique ? N'est-il
pas, dans sa logique inverse, tout aussi néfaste que
l'isolement intégral ? Et l'un et l'autre ne représentent-ils
pas les deux conceptions extrémistes de l'organisation
du commerce mondial ?
Car le libre-échangisme intégral tel qu'il est pratiqué
aujourd'hui apparaît bien comme la version "jusqu'au-boutiste"
de la libération des relations économiques internationales
puisque son objectif consiste à l'évidence à créer
un immense marché planétaire unifié. C'est vers ce
but que tendent actuellement toutes les initiatives
commerciales prises à l'échelle internationale. Déjà,
au niveau européen, l'Union douanière et le Marché
unique ont complètement déréglementé le commerce intérieur
qui s'effectue désormais sans aucune entrave. Mais,
dans le même temps, le tarif douanier extérieur commun,
censé protéger l'Union européenne, a été réduit à
5 p. cent en moyenne et connaître d'innombrables dérogations.
Certains pays associés, comme la Turquie, sont intégrés
à l'Union douanière et une vaste zone de libre-échange
est en train de se mettre en place pour ouvrir l'Europe
à tous les États du pourtour de la Méditerranée. Avec
les pays de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique
(ACP), pour la plupart anciennes colonies européennes,
des accords préférentiels ont été signés qui leur
permettent de faire pénétrer quasi librement la presque
totalité de leur production sur le marché européen.
Enfin, à l'échelle mondiale, les négociations du
GATT et leurs cycles successifs ont conduit à un abaissement
massif des droits de douane avec tous les autres pays.
Le cycle de l'Uruguay vient en outre de mettre en
place l'Organisation mondiale du commerce (OMC), chargée
de superviser cette libéralisation totale des échanges.
Et les choses n'en resteront pas là, car les sectateurs
de l'ultralibéralisme international veulent aller
encore plus loin. De prochaines négociations sont
prévues et ces derniers n'auront de cesse que le marché
mondial ne soit unifié. La logique qui prévaut actuellement
est donc bien celle du libre-échangisme extrémiste.
Dans ces conditions, le débat ne se réduit pas à
un choix entre le commerce sauvage et le repli autarcique.
Contrairement à ce qu'affirment les tenants du mondialisme,
tout adversaire du libre-échangisme intégral n'est
pas pour autant partisan de l'autarcie. Il existe
en effet une infinité de solutions intermédiaires
entre ces deux options extrêmes. Et le vrai dilemme
ne se situe pas entre l'échange sauvage et le refus
du commerce, mais entre le libre-échangisme intégral
et l'échange régulé. Et c'est donc au nom de cette
vision modérée qu'il convient de contester l'ultralibéralisme
international et la cohorte de méfaits qu'il provoque
aujourd'hui dans notre pays.
Le mirage de l'ultralibéralisme
L'ouverture totale des frontières et la compétition
sauvage qui en résulte provoquent en effet une destruction
massive du travail dans notre pays, crée une forte
pression à la baisse des salaires pour les emplois
peu qualifiés et instaure la précarité générale dans
l'ensemble du système économique et social. Certes,
la concurrence déloyale qui est imposée à nos entreprises
avec les pays à faible coût de main-d'œuvre et à forte
dépréciation monétaire n'entraîne pas encore de graves
déséquilibres dans la balance des paiements, mais
elle joue un rôle dévastateur dans l'aggravation du
chômage. Et lorsque certains, pour justifier le libre-échangisme,
rappellent qu'un Français sur quatre vit de l'exportation,
ils omettent de souligner que les emplois détruits
par l'importation sont en nombre supérieur.
Quant à la diminution des salaires, elle est incontestable,
comme le souligne Maurice Allais : " En vingt ans
le rapport des importations à la production intérieure
brute est passé de 4 p. cent à l 1 p. cent. Dans le
même temps, le salaire net réel des employés non cadres
s'est abaissé de 0,73 p. cent par an, soit d'environ
15 p. cent, et le rapport entre la moyenne des 10
p. cent de rémunérations les plus élevées et la moyenne
des 10 p. cent des rémunérations les moins élevées
a été multipliée par 1,8 ".
Plus globalement, le mondialisme économique crée
dans le système de production et d'échange, une instabilité
d'une telle envergure que ses effets constituent l'essentiel
de l'actualité quotidienne dans notre pays. Restructurations,
délocalisations, dérégulations, chômage, pauvreté,
manifestations affectent maintenant toutes les régions
et tous les secteurs. Le développement anarchique
du commerce international constitue donc pour la France
un élément de déstabilisation sociale et de déstructuration
industrielle auquel il est criminel de se soumettre
sans réagir.
Enfin, le libre-échangisme intégral réduit notre
pays au rôle de simple pion dans le jeu de Monopoly
que devient l'économie mondiale. Chaque année qui
passe le contraint à abandonner de nouveaux secteurs
industriels au nom de la division internationale du
travail. Et, ce faisant, l'économie française perd
progressivement de sa substance et l'État de son indépendance.
Qui peut croire que la France restera une grande nation
si son système de production n'est plus capable de
fabriquer l'essentiel des biens nécessaires à la vie
d'un grand pays moderne ? Une économie diversifiée
constitue un facteur de puissance, une économie spécialisée,
une cause de dépendance et d'asservissement.
Le mondialisme économique n'est donc pas seulement
la source principale du chômage et de la régression
sociale, il représente aussi une grave menace pour
la liberté collective du peuple français.
L'idéologie sous-jacente
Comment expliquer que cet aspect majeur des problèmes
soulevés par le libre-échangisme mondial ne soit jamais
pris en compte par les experts et les politiciens
de l'établissement ? Serait-ce que l'intérêt national
ne constitue plus la préoccupation principale de nos
dirigeants ? Il est vrai que, s'ils se placent dans
un processus d'unification européenne et, même, dans
une perspective d'intégration mondiale, de telles
considérations n'ont sans doute désormais pas plus
d'importance à leurs yeux que n'en avait autrefois
le choix entre Dijon et Rennes pour l'implantation
d'une usine.
Vu sous cet angle, le libre-échangisme mondial se
révèle comme beaucoup plus qu'une simple option technique
relative au commerce international. Il s'affirme en
réalité comme la composante économique de l'idéologie
mondialiste. Or, cette doctrine est aujourd'hui si
prépondérante dans l'esprit des dirigeants français
et internationaux qu'on peut la considérer comme la
pensée officielle de l'établissement occidental. Prenant
peu à peu la place qu'occupait naguère le marxisme
parmi les membres de l'intelligentsia internationale,
elle s'affirme comme l'expression la plus achevée
du "politiquement correct". A ce titre, elle comporte
de nombreuses analogies de forme et de fond avec la
vulgate marxiste. Selon elle, l'avenir ne passe plus
par la société sans classes, mais par le monde sans
nations, sans races, sans culture et sans religion.
Il ne s'agit plus de lutter contre les inégalités
mais contre les exclusions, et le bonheur humain n'est
plus à rechercher dans le paradis rouge mais dans
le paradis vert dollar. A l'échelle planétaire, cette
idéologie prend la forme du nouvel ordre mondial qui,
prôné par les Américains, vise à soumettre les nations
à des institutions internationales, embryon d'un futur
Etat mondial. Tel est le rôle assigné à l'ONU sur
le plan politique, à l'OTAN dans le domaine militaire
et à l'OMC en matière commerciale. Dans cette perspective,
le libre-échangisme mondial apparaît davantage comme
un outil de mondialisation des Etats que comme un
instrument de prospérité économique.
La régulation nécessaire
Aussi convient-il de dénoncer le caractère idéologique
de cette doctrine prétendument économique. Car chacun
doit savoir que, sous le couvert du libre-échangisme
mondial, il ne s'agit pas seulement de poursuivre
un objectif économique, mais de faire aboutir un projet
politique de destruction des nations et d'intégration
mondiale. Le Mouvement national républicain, qui combat
cette entreprise antinationale, ne peut donc pas accepter
la mise en œuvre d'un libre-échangisme effréné qui
aggrave le chômage, réduit les bas salaires, engendre
la précarité et obère l'indépendance du pays. Une
telle doctrine est en effet contraire à l'idée que
nous nous faisons de l'économie, laquelle ne doit
pas servir seulement l'intérêt des consommateurs,
mais aussi celui de la nation, et contribuer tant
à son indépendance qu'à sa cohésion sociale. Pour
autant, le Mouvement national républicain ne s'oppose
évidemment pas à la concurrence ni aux échanges internationaux
qu'il considère nécessaires et bénéfiques. Son propos
n'est pas d'abandonner le libre-échangisme pour basculer
dans l'autarcie, mais d'adopter entre ces deux options
extrémistes et néfastes une position mesurée visant
à réduire le laxisme et à accroître la régulation
au sein du commerce mondial. S'agissant des relations
économiques internationales, la concurrence doit donc
être organisée pour devenir loyale et de ce fait acceptable.
C'est la raison pour laquelle le mouvement national
est partisan de substituer au libre-échangisme la
notion nouvelle d'échange régulé.
Pour maintenir les échanges commerciaux entre la
France et le reste du monde, tout en évitant qu'ils
ne détruisent l'équilibre économique et social de
notre pays, l'État doit en effet instaurer des mécanismes
de régulation destinés à le protéger. Or, depuis des
siècles, nous disposons traditionnellement d'un instrument
apte à résoudre ce type de problème, il s'agit de
la frontière.
La membrane de la nation
Contrairement à la caricature qu'en donnent actuellement
les sectateurs du mondialisme, la frontière remplit
une fonction utile et nécessaire à la communauté.
Elle n'est pas plus ce fauteur de guerres et de division
qu'il faudrait supprimer pour faire prévaloir la paix
et l'harmonie que cette muraille infranchissable derrière
laquelle on ne pourrait que se blottir dans la peur
ou la haine de l'étranger. Elle s'apparente plutôt
à la membrane qui maintient la cellule vivante en
osmose avec le monde extérieur, mais filtre les passages,
laissant pénétrer ce qui est bénéfique, empêchant
d'entrer ce qui est néfaste.
A l'échelle d'une nation, la frontière joue un rôle
comparable de protection et de sécurité que personne
ne peut contester. Lorsque l'épidémie de la vache
folle s'est développée en Grande-Bretagne, c'est bien
aux limites territoriales de notre pays qu'ont pu
être arrêtées les importations de viandes bovines
britanniques. A cet égard, la frontière a joué son
rôle bénéfique en fonctionnant comme une cloison étanche
destinée à être fermée lorsqu'une calamité survient
de façon à circonscrire le mal à une région et à l'empêcher
de contaminer le monde entier. Aussi est-il éminemment
dangereux de vouloir détruire les frontières et créer
d'immenses zones dépourvues de cloisonnement, car
de tels espaces déstructurés sont plus sensibles aux
dérèglements de toute sorte et plus exposés à tous
les fléaux possibles. Comme l'a d'ailleurs expliqué
Maurice Allais, l'instabilité augmente à mesure que
s'élargit l'horizon économique ; un marché trop vaste
et trop intégré se comporte comme une vaste plaine
battue par les vents et sillonnée par les eaux. Les
mondialistes ne sont-ils pas aussi irresponsables
que ces technocrates, ignorants des lois de la nature,
qui ont détruit les bocages, coupé les arbres et les
haies, sans penser que le vent et les eaux emporteraient
l'humus et rendraient la terre stérile ?
Les écluses douanières
Il importe donc de rétablir les frontières de la
France et, si possible, de l'Union européenne et d'y
installer une protection destinée à réguler les échanges
internationaux. A cet égard, le meilleur dispositif
reste l'écluse douanière car, sur le plan des principes,
c'est elle qui assure le mieux le retour à l'équilibre
dans la compétition économique. Si le coût de la main-d'œuvre
incorporé dans un article d'importation est nettement
inférieur à ce qu'il représenterait fabriqué en France,
pourquoi ne pas lui appliquer une taxe qui compense
cette différence ? Et pourquoi ne pas procéder de
la même façon pour les distorsions de prix résultant
d'un dumping monétaire ? Ainsi les productions nationales
et étrangères pourraient-elles rivaliser sur notre
sol à armes égales et les deux économies de structure
différente continuer d'échanger sans se détruire mutuellement.
La régulation des échanges fonctionnerait ainsi à
la manière des écluses permettant le passage des bateaux
entre deux plans d'eau pourtant situés à des niveaux
différents. Ce modèle théorique montre clairement
que l'objectif n'est pas d'interrompre le commerce,
mais de le réguler pour ne plus perturber l'équilibre
des économies concernées.
Dans la pratique, une telle régulation n'est certes
pas simple à instituer. Elle se heurte à des obstacles
techniques pour l'évaluation du montant des prélèvements,
mais surtout à des difficultés diplomatiques dues,
en l'état actuel des choses, à l'attitude mondialiste
des grands pays industrialisés. Aussi faudrait-il
renoncer à des schémas trop complexes, adopter une
démarche pragmatique et engager une stratégie à triple
détente.
Dix pour cent
Dans un premier temps, la France pourrait rétablir
à ses frontières et de façon unilatérale une taxe
exceptionnelle de 10 p. cent en moyenne sur tous les
produits importés. Une telle mesure serait présentée
à nos partenaires comme une disposition de sauvegarde
justifiée par la gravité de la situation de l'emploi
et la nécessité au moins provisoire de desserrer l'étau
de la concurrence internationale. Elle offrirait à
l'économie française les avantages classiques d'un
droit de douane en organisant concrètement sur le
marché intérieur une préférence pour les produits
français et en dégageant pour les finances publiques
une ressource nouvelle ponctionnée sur l'étranger
de l'ordre de 120 milliards de francs. Un tel prélèvement,
qui permettrait par ailleurs de casser la logique
du libre-échangisme mondial, ne présenterait sur le
plan économique interne aucun inconvénient de nature
à perturber les grands équilibres. Une étude réaliste
pour les États-Unis par l'économiste Harry Johnson
a démontré que l'instauration d'un droit de douane
de 10 p. cent à 1'entrée du territoire américain provoquerait
une baisse du PNB de l'ordre de l p. mille, ce qui
signifie qu'elle n'aurait aucun effet négatif sur
la croissance.
Ce type de disposition, qui offrirait l'avantage
de relâcher la contrainte de la concurrence internationale
et de donner un coup d'arrêt au développement du mondialisme,
serait donc à tous égards bénéfique pour notre pays.
Certes, les profits économiques et politiques que
ce dernier en retirerait seraient peut-être en partie
contrebalancés par les mesures de rétorsion que prendraient
certaines puissances étrangères. Mais, en politique,
toute action qui produit des effets positifs entraîne
également des conséquences négatives. L'essentiel
est que les premières l'emportent sur les secondes.
Et tel est bien le cas en l'occurrence, car les inconvénients
que représentent d'éventuelles sanctions commerciales
ou diplomatiques se révéleraient mineurs au regard
de l'événement politique majeur que créerait ainsi
la France en brisant l'unanimisme libre-échangiste
et en se plaçant de la sorte en position de force.
Lorsque le général De Gaulle a pratiqué la politique
de la chaise vide au sein de la Communauté européenne,
il a certes polarisé l'animosité de ses partenaires,
mais, ayant accompli un acte de rupture, il s'est
trouvé ensuite dans une situation avantageuse pour
négocier avec profit.
Négociation contre représailles
Il en irait de même dans le cas d'espèce, d'autant
que le problème des représailles commerciales est
relativement circonscrit, 70 p. cent des exportations
françaises s'effectuant dans neuf pays seulement.
Parmi ceux-ci, les États-Unis et le Japon, les seuls
à ne pas faire partie de l'Europe, ne représentent
respectivement que 7 et 2 p. cent des ventes françaises
à l'étranger. D'autre part, leur balance commerciale
avec notre pays est excédentaire. Leurs moyens de
pression seraient donc à la fois limités et mal adaptés
puisqu'à eux seuls, ils ne seraient pas en mesure
de déséquilibrer la structure du commerce extérieur
français et qu'ils auraient plus à perdre que nous
à interrompre les échanges commerciaux. Quant au contentieux
qui pourrait survenir avec les pays européens, il
se pose en des termes différents car une telle taxe
viendrait de surcroît mettre en cause le principe
de l'Union douanière et du Marché unique. Il serait
donc à intégrer au différend plus global qui naîtrait
de la volonté française de réviser les traités européens.
Passé une période de crispation, une négociation globale
finirait par s'ouvrir, où notre pays se trouverait
à la fois en situation de force et en position de
faire valoir sa bonne volonté. Le taux très modique
du prélèvement, son caractère exceptionnel rendu nécessaire
par la gravité de la situation, l'accord de la France
pour abandonner cette mesure si elle était instaurée
aux frontières de l'Union, la référence aux dispositions
des traités prévoyant des mesures de sauvegarde et
à celles instaurant le principe de la préférence européenne,
autant d'arguments qui permettraient de faire accepter
un accord de compromis où le principe, sinon le taux,
de la taxe pourrait être maintenu. Enfin, s'agissant
des autres pays, la modicité de leurs échanges avec
la France est telle qu'aucune mesure de rétorsion
notable n'est à redouter.
D'une façon plus générale, penser que l'instauration
d'un minimum de protection à nos frontières pénaliserait
automatiquement nos exportations serait d'ailleurs
une erreur. Les produits français vendus à l'étranger
jouissent en effet d'une position solide et ce n'est
pas parce que nous instituerions une taxe douanière
de 10 p. cent que nos partenaires cesseraient d'acheter
des Airbus dès lors que ces avions demeureraient à
leurs yeux plus avantageux en prix, en qualité ou
en performance que les Boeing. Quant aux relations
commerciales avec les pays européens, elles sont désormais
tellement enchevêtrées que ce n'est pas une décision
politique de représailles qui pourrait les interrompre
du jour au lendemain.
Éthique contre mondialisme
Ainsi est-il possible de remettre en cause le libre-échangisme
mondial et de desserrer la contrainte de la concurrence
extérieure. Encore faut-il, pour élargir la brèche
et inverser la logique actuelle, que la décision initiale
de rupture soit suivie par une action d'envergure
et de longue haleine.
Dans un deuxième temps de sa stratégie, la France
doit en effet prendre des initiatives propres à mettre
en cause les aspects les plus contestables du système
économique mondialiste. A cette fin, il lui faudra
se doter d'une législation comparable à la section
301 du Trade Act américain lui permettant d'engager,
comme le font les États-Unis, des actions de protection
commerciale à l'encontre de ceux qui pratiqueraient
une concurrence déloyale. Notre pays devrait aussi
remettre en cause un grand nombre des accords multilatéraux
de libre-échange signés en son nom par la Commission
de Bruxelles en tirant argument du fait qu'ils ne
sont pas compatibles avec le principe de la préférence
européenne qui devrait prévaloir au sein de l'Union.
Par ailleurs, la France introduira la dimension
éthique pour contester certains aspects les plus odieux
du libre-échangisme mondial. Il est en effet frappant
que les tenants de la pensée unique, généralement
très actifs lorsqu'il s'agit de dénoncer les atteintes
aux droits de l'homme à condition qu'elles soient
imputables à des politiques, restent étrangement muets
lorsque celles-ci sont commises à des fins économiques.
Ainsi est-il scandaleux de voir les pays occidentaux
accepter d'acheter à bas prix des produits fabriqués
dans des conditions indignes par des enfants exploités
ou des prisonniers esclaves. De même qu'il est inadmissible
de les voir commercialiser certaines productions bon
marché réalisées au prix de très graves pollutions
par des pays qui n'hésitent pas à compromettre les
équilibres écologiques de la planète. Un ouvrier français
n'a pas à se trouver en concurrence avec un prisonnier
du goulag chinois ou un enfant exploité du Pakistan
pour des productions qui contribuent à détruire notre
environnement. Il faut combattre le dumping économique
et monétaire mais aussi le dumping social, humanitaire
et écologique. Pour mettre un terme à ces méfaits
et limiter par là même les excès du libre-échangisme
mondial, la France exigera des instances internationales
que les fabrications de ce type soient interdites
à l'importation ou fassent l'objet de taxes ou de
normes techniques dissuasives.
Le nouvel ordre national
Plus globalement, et c'est la troisième étape de
la stratégie du Mouvement national républicain, notre
pays devra engager une offensive diplomatique de grande
envergure pour contester le nouvel ordre mondial.
En se faisant le champion de la défense des peuples
face à des puissances hégémoniques comme les Etats-Unis,
en proposant un autre modèle d'organisation des relations
internationales fondé non sur la mondialisation, mais
sur le respect des nations, la France, prenant la
tête d'une importante coalition de nations, pourra
entreprendre d'inverser les mécanismes néfastes qui
prévalent actuellement. Elle pourra en effet rallier
à l'idée de ce "nouvel ordre national" un grand nombre
de pays qui refusent les évolutions présentes et constituer
ainsi un rapport de force plus favorable pour mettre
en cause les institutions supranationales qu'on cherche
à nous imposer.
Dans ce cadre, la France sera en mesure de faire
valoir sa propre vision du commerce international
et d'agir pour substituer au principe du libre-échangisme
celui de l'échange régulé. Un changement d'option
d'autant plus facile à obtenir que l'ultralibéralisme
aura préalablement fait l'objet d'innombrables entorses
et que l'opinion de certains gouvernements aura été
amenée à évoluer. Ainsi, dans cette entreprise de
modification du système économique international,
la France ne sera pas isolée comme le prétendent aujourd'hui
les frileux de l'établissement. Bien au contraire,
elle y gagnera une audience et un prestige nouveaux
sur la scène mondiale. En défendant ses intérêts,
elle retrouvera sa grandeur.
Peut-on pour autant parler de retour au protectionnisme
? Certainement pas au sens où l'entendent ses détracteurs,
car l'échange régulé ne vise en aucune façon à l'autarcie
des nations. Il ne peut pas se manifester par une
sorte de guérilla entre les États et de surenchère
à coups de taxes ou de droits de plus en plus élevés.
Car l'objectif n'est pas d'interdire la concurrence
ni d'empêcher les échanges, mais de les réguler. Dans
ces conditions les prélèvements douaniers doivent
résulter de critères objectifs susceptibles d'acquérir
une légitimité et d'être, le cas échéant, soumis à
une cour arbitrale internationale. Il ne s'agit donc
nullement de rétablir un protectionnisme archaïque,
mais tout au plus d'instaurer un nouveau protectionnisme.
Car, si le mot a été diabolisé par les sectateurs
du mondialisme, il n'est pas à rejeter pour autant.
La fonction de protection n'est-elle pas noble et
bénéfique ? N'est-elle pas la première responsabilité
d'un père à l'égard de ses enfants ou d'un gouvernement
envers son peuple ?
Le franc-mark
Notons cependant qu'une telle entreprise de protection
de l'économie française n'aurait pas de sens si elle
ne s'accompagnait d'une politique monétaire appropriée.
L'instrument douanier et l'outil monétaire sont en
effet directement liés, car à quoi servirait-il d'instaurer
un prélèvement de 10 p. cent aux frontières si, dans
le même temps, la devise nationale était réévaluée
d'autant? L'offensive à mener pour défendre le système
français de production et d'échange doit donc être
complétée par des actions offensives permettant à
notre pays de mieux utiliser sa devise nationale dans
la bataille commerciale. A cette fin, il convient
donc d'abandonner le dogme du franc fort et de renoncer
à la chimère de la monnaie unique.
Depuis de nombreuses années, en effet, les gouvernements
successifs de notre pays ont mené une politique néfaste
visant à arrimer le franc au mark. Ce faisant, ils
ont systématiquement surévalué la devise nationale,
comme si la valeur de la monnaie déterminait le succès
économique. En agissant ainsi, ils ont lourdement
handicapé notre système de production et d'échange.
Car aujourd'hui, avec un franc surcoté, nos entreprises
sont pénalisées à l'exportation, alors que les produits
étrangers sont favorisés sur le marché intérieur.
Les effets néfastes du libre-échangisme s'en trouvent
donc encore amplifiés.
Pourquoi, dans ces conditions, continuer à mener
une telle politique avec autant d'obstination ? Certainement
pas pour ses effets économiques on ne peut plus discutables,
mais pour une raison stratégique majeure qui n'est
autre que la création de la monnaie unique. La stabilité
de l'ensemble franc-mark apparaît en effet comme essentielle
à la création de l'euro. Et l'établissement aspire
tellement à faire aboutir ce projet qu'il est prêt,
pour y parvenir, à sacrifier les intérêts nationaux.
Si encore un tel projet était de nature à apporter
un regain de prospérité à notre pays, on pourrait
comprendre que des handicaps provisoires lui soient
imposés dans l'attente d'une amélioration d'envergure.
Mais il n'en est rien : le projet de monnaie unique
représente au contraire une menace pour les intérêts
de la France.
L'euro néfaste
L'Europe ne constitue pas une zone monétaire optimale
au sens de Robert Mendel. La mobilité des différents
facteurs de production y est limitée et l'homogénéité
culturelle et économique insuffisante pour qu'une
monnaie unique y produise des effets bénéfiques comme
elle a pu le faire par exemple dans le cas de l'empire
allemand au XIXe siècle. Si l'euro est néanmoins mis
en place, les ajustements liés aux aléas de la conjoncture
ne pourront plus s'effectuer entre les différentes
économies européennes par le moyen du taux de change.
Comme le montre Maurice Allais, les adaptations nécessaires
devront donc se réaliser par le truchement d'autres
variables comme les prix, les salaires ou, pire encore,
le chômage. Tel est d'ailleurs le mécanisme malsain
qui se développe dans notre pays. Depuis plusieurs
années, le franc est arrimé au mark et constitue déjà
en quelque sorte une monnaie unique avec la devise
allemande. Or, durant cette période, le chômage n'a
cessé de se développer.
Sur le plan intérieur, la monnaie unique présente
donc de graves inconvénients et il en va de même vis-à-vis
de l'extérieur, car, sur ce plan, elle laisse totalement
pendante la question du désordre monétaire international
et de la tutelle du dollar sur l'économie mondiale.
La prééminence de la devise américaine comme monnaie
d'échange et de réserve confère aux États-Unis un
privilège illégitime et place les autres nations en
situation de subir leur politique et ses errements.
Or, le projet de monnaie unique européenne ne changera
rien à cette insupportable sujétion. La monnaie commune
restée embryonnaire sous la forme de l'écu aurait
déjà pu engager une contre-offensive face au dollar
et réduire au moins en Europe le rôle de cette devise
comme monnaie de réserve. Il n'en a rien été et gageons
qu'il en irait de même avec l'euro.
Il n'est que d'observer comment la Communauté européenne
s'est montrée incapable d'utiliser l'Union douanière
face aux Américains et comment elle s'est laissée
subjuguer par eux dans les négociations commerciales
internationales pour être certain que le scénario
serait le même en matière monétaire et que, s'il voyait
le jour, l'euro, loin de faire pièce au dollar, se
mettrait à sa remorque. La monnaie unique ne serait
donc pas mise au service d'une politique de puissance
visant à replacer les Etats-Unis au même rang que
les autres nations et à rééquilibrer le rapport de
force euro-américain. Elle se révélerait donc inutile
tant sur le plan extérieur qu'intérieur. Elle renforcerait
en revanche le pouvoir des fonctionnaires irresponsables,
faisant de l'Europe l'affaire des Tietmeyer et des
Trichet.
Il est vrai que l'objectif poursuivi n'est sans
doute pas la prospérité des économies ni la puissance
des nations, mais l'intégration européenne. Dans l'esprit
de ses promoteurs, la monnaie unique doit contraindre
les Etats européens à unifier totalement leurs politiques
économiques et donc à perdre leur souveraineté effective
en même temps qu'ils abandonneront l'un des symboles
de celle-ci. On comprend mieux dès lors pourquoi nos
dirigeants sont prêts à sacrifier l'intérêt national
sur l'autel de l'euro et pourquoi les avantages de
la monnaie unique tels qu'ils sont présentés aux Français
apparaissent si dérisoires : rendre les voyages plus
pratiques par la suppression du changement de monnaie
! Le véritable objectif demeure caché. D'ordre idéologique,
c'est le mondialiste de faire disparaître les nations
souveraines d'Europe.
Le franc libre
Politiquement et économiquement néfaste, le projet
de monnaie unique doit donc être abandonné. Et si,
par malheur, l'euro devait être imposé à la France,
le Mouvement national républicain serait partisan
de l'en dégager dès que possible. Il n'y a à cela
aucune impossibilité, car il est plus facile de sortir
d'une union monétaire que d'y entrer. Des nations
infiniment plus faibles que la France, comme les États
baltes par exemple, ont su, en même temps qu'ils recouvraient
leur indépendance face à 1'URSS, sortir de la zone
rouble et se doter d'une monnaie nationale. Gageons
que notre pays saurait en faire autant.
Il est en effet essentiel que la France puisse disposer
en propre d'un outil monétaire indépendant. Aussi
faut-il dès maintenant abandonner la politique dite
du franc fort afin de pouvoir utiliser la devise nationale
comme instrument de manœuvre au service de l'économie
française. Bien sûr, il n'est pas question d'affaiblir
massivement la monnaie ou de recourir à des dévaluations
de faillite comme en pratiquait la IVe République.
Il s'agit simplement, avec une politique de franc
libre, d'ajuster les taux de change en fonction de
la conjoncture économique et de l'intérêt national,
comme le font d'ailleurs les plus grands pays industriels.
Le Japon ne se sert-il pas du yen pour absorber avec
souplesse les brusques variations du commerce mondial
? Plus près de nous, l'Italie, avec ses dévaluations
successives, et la Grande -Bretagne, avec le flottement
de la livre, recourent à des procédés comparables.
Et ne parlons pas des États-Unis qui manipulent les
taux du dollar en fonction de leurs intérêts bien
compris. La France doit donc imiter ces grandes nations
et se doter d'une politique monétaire offensive. M.
Giscard d'Estaing, qui a conduit, sous l'autorité
d'Antoine Pinay, le redressement économique et financier
du pays de 1958 à 1962, a reconnu fort opportunément
le bien-fondé de cette thèse.
Le Japon de l'Europe
Face à la guerre économique internationale, le mouvement
national entend ainsi fournir à la France deux instruments
de combat particulièrement efficaces : le franc libre
et l'échange régulé. En ce sens il dotera notre pays
des atouts que le Japon, champion du monde du commerce
international, exploite avec talent et efficacité
depuis des années. Ainsi renforcé, notre pays pourra,
tout en adoptant vers l'extérieur une démarche offensive
et conquérante, se protéger des effets délétères du
mondialisme et limiter les conséquences néfastes du
commerce international sur son économie. Le territoire
national s'en trouvera doté d'une légitime protection
et les lois exigeantes du marché libre pourront dès
lors produire tous leurs effets bénéfiques.